La laïcité galvaudée

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Publié dans l’édition du 11 février 2013 du quotidien Le Devoir

Suite à l’annonce du gouvernement de Mme Marois d’entreprendre des consultations sur la laïcité, on a pu entendre plusieurs « identitaires » développer une conception de la laïcité pour le moins originale.

D’un concept républicain qui allie égalitarisme des citoyens devant la Loi et neutralité de l’État à l’égard des confessions, on en arrive, par une pirouette intellectuelle efficace, à un outil qui détermine « des balises identitaires » de vie commune, comme l’explique M. Bock-Côté.

Ce retournement s’explique par la volonté du courant réactionnaire d’entretenir une confusion sémantique entre un véritable processus de laïcisation de l’État et la simple sécularisation des anciennes valeurs de l’Église, naïvement dépouillées de leurs oripeaux spirituels. Or, ce galvaudage parfaitement réussi n’est pas anodin. Il a en fait disqualifié les réformateurs d’esprit laïc empêtrés dans d’interminables justifications pour se démarquer des laïcs autoproclamés « ouverts ».

Par un étrange mimétisme, dans ce qu’ils nomment par opposition « laïcité fermée », ces derniers conspuent le fait de rejeter non pas le culte ou la foi, mais ce que le philosophe Henri Peña-Ruiz appelle des « privilèges temporels » auxquels certains religieux se raccrochent, de la même manière que les identitaires s’agrippent à des vestiges glorieux du religieux d’antan.

Pourtant, une voix laïque et humaniste peut s’affirmer au Québec, sans tomber dans l’ornière de ceux qui s’engagent de façon louable dans l’impasse de la compassion et refusent l’avènement d’une Loi émancipatrice pour, finalement, favoriser le statu quo au profit des forces dominantes.

Il faut donc réaffirmer le principe selon lequel la laïcité traduit un irrépressible désir de vivre ensemble, dépassant l’altérité, pour atteindre une humanité commune. Et cette posture, si elle est résolument opposée à la relégation dans la différence, devient alors le corollaire naturel d’une marche solidaire à la fois éternellement inachevée dans le progrès et respectueuse de l’Histoire, et non plus l’avatar du passéisme hiératique.