Lettre publiée dans l’édition du 26 août 2013 du quotidien Le Devoir
En tant que citoyen fermement attaché à la laïcité, sans qualificatif particulier, de l’état de droit moderne, j’ai la triste conviction que les élus du Parti Québécois risquent de faire fausse route quant à la « charte des valeurs ».
D’abord sur le fond, car la laïcité est garante de l’égalité parmi les citoyens, quelle que soit leur obédience philosophique. Il est donc contre nature que l’on veuille figer juridiquement des valeurs. Celles-ci sont, par définition, évolutives : c’est le propre de nos sociétés libérales et la sociologie nous a amplement démontré que les valeurs influencent autant les individus qu’elles sont les produits de ces derniers. Parler des droits naturels, inaliénables et sacrés de l’individu est une chose, graver des valeurs dans le marbre en est une autre fort différente.
Sur la forme ensuite, comme ce fût le cas sur d’autres aspects, le Gouvernement lance ici un ballon d’essai de façon tout à fait irresponsable en ne posant pas les conditions du débat. En conséquence, chacun se lance ensuite dans ses extrapolations au risque de jeter l’anathème sur l’Autre dans toutes ses dimensions, qu’elles soient ethniques, politiques ou religieuses. Au final, personne ne sera gagnant de cette stratégie qui polarisera inutilement la société, bien que le sujet mériterait un débat vif, mais serein et respectueux.
Enfin, au risque de s’égarer en supposant cela, il est à craindre que le PQ, avec ce sujet, cherche avant tout à jouer de la tentation de confronter le gouvernement fédéral et la Cour suprême. En notant la très large majorité des Québécois derrière certaines normes comme le port de signes religieux, on peut aisément imaginer que l’entourage de la Première ministre ait décidé d’instrumentaliser la discussion au profit de la gouvernance souverainiste. Et si tel devait être le cas, cela attesterait que le projet n’est pas fait pour les bonnes raisons.
Le seul fondement qui doit justifier une telle loi, pour citer le grand Jaurès, c’est la volonté d’une progression déterminée et irrémédiable de l’esprit du citoyen « vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison ».