De la prétendue exclusion laïque à la laïcité dévoyée de l’extrême droite, un langage de sourds entre le PQ et QS

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Depuis plusieurs heures, le Parti québécois s’attelle à dénoncer la comparaison d’avec le Front national que le co-porte-parole de Québec solidaire, M. Andrés Fontecilla, aurait fait de celui-ci. Puisque le PQ ne prend pas la peine de citer l’extrait incriminé, pas plus que les militants qui relaient le communiqué de presse, le voici :

« J’aimerais seulement faire remarquer que la France est loin d’être un exemple d’intégration. Les problèmes entre les communautés sont exacerbés par ces législations-là et je voudrais faire remarquer à M. Drainville que le thème de la laïcité a été approprié par la droite française et même l’extrême droite, M. Sarkozy et Mme Marine Le Pen. »

La fausse laïcité du vrai racisme : le nouvel argumentaire de l’extrême droite française

Déduire de ces deux phrases un rapprochement du PQ et du FN, cela semble bien excessif. Toutefois, force est de constater que M. Andrés Fontecilla a partiellement raison quant à la deuxième partie de son raisonnement. N’en déplaise aux républicains français de tous bords (car la république laïque est autant de droite que de gauche), l’extrême droite aurait réussi à se faire passer pour la championne de la laïcité aux yeux des médias; mais les gesticulations de Mme Le Pen ne trompent personne. Sa croisade n’est que le nouvel avatar de cette obsession à l’égard de la différence qui confine à la maladie mentale : hier, la haine des juifs, des francs-maçons ou des socialistes, aujourd’hui, des Roms, des immigrés d’origine maghrébine, de l’Islam… et probablement encore un peu des autres.

Or, la relative paranoïa qui se développe à l’égard d’un quelconque complot musulman au Québec comporte parfois des parallèles avec l’instrumentalisation extrême droitière faite en France de ce qu’elle nomme laïcité. Et puis, sans même revenir aux discussions récentes sur la Charte des valeurs, souvenons-nous du débat sur la viande halal en mars 2012 engagé par le PQ. Comment ne pas comprendre que certains aient pu alors imaginer que le Parti québécois ait osé une récupération, même maladroite, de ce même débat lancé avec tambours et fracas par Mme Le Pen, moins d’un mois avant, qui expliquait vouloir « montrer aux Français qu’ils sont méprisés dans leur propre pays »? C’est peut-être injuste ou réducteur, mais quelques ambiguïtés comme le cas récent du candidat péquiste résigné Jean Carrière n’ont pas aidé à clarifier les choses.

Ceci étant, entre les détestables excès de quelques-uns et la ligne gouvernementale, il y a un gouffre tel qu’il nous semble encore loin d’être surmontable.

Une laïcité source de cohésion plutôt que d’exclusion

Ceci étant dit, à nos yeux, le lien que dresse M. Andrés Fontecilla entre lois sur la laïcité et intégration nous semble plutôt hasardeux et témoigne d’un manque de compréhension de la réalité outre-Atlantique. Le problème dit d’intégration est avant tout d’origine économique, c’est cela qui est à la source du délitement du lien social.

Avec la disparition de la socialisation par l’écosystème du travail (usines, syndicats, partis, fédérations sportives laïques, etc.) qui rayonnait jusque dans le quotidien des citoyens et contribuait au raffermissement des liens et palliait parfois les services publics insuffisants, les effets de la crise actuelle n’en sont que décuplés. Et on retrouve de nouveau notre Mme Le Pen, toujours prête à rejeter la faute sur les autres, expliquer une fois encore que les immigrés sont la cause de tous les maux. Bref, voir dans les problèmes des « banlieues » françaises un problème lié à un héritage laïque séculaire et dont les racines remontent bien avant 1905, c’est certainement caricatural et ne contribue pas à favoriser un débat intelligible. Non parfois sans accrocs, depuis Nicolas de Condorcet, la conception française de la laïcité s’inscrit dans la tradition exigeante et universaliste de l’égalité entre les citoyens, aux antipodes de la détestation de l’autre.

Il est toujours désolant, surtout en période électorale, de voir des leaders brillants se fourvoyer dans quelques raccourcis et sophismes pour céder au risqué « sens de la formule ». Tandis que l’on souhaitera que le Parti québécois évite de jouer maladroitement avec le feu et voit des enflures verbales où il n’y en a pas, on saura gré à Andrés Fontecilla d’éviter de jouer de raisonnements à l’emporte-pièce.

« Ma Home »

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J’ai volontairement souhaité ne pas regarder Notre Home dans le brouhaha médiatique qui a entouré son dévoilement.

Un peu plus tôt en semaine, un communiqué gouvernemental annonçait, nous disait-on, « le lancement d’une importante initiative culturelle s’inscrivant dans la volonté de rapprochement des francophones et des anglophones du Québec ». Nous allions voir ce que nous allions voir, car, enfin, un gouvernement souverainiste allait intervenir concrètement pour rapprocher ces deux solitudes québécoises.

Pour quel bilan? 3 minutes 19 de mièvreries, qui nous procurent une overdose de bons sentiments comme un paquet de guimauves suscite l’indigestion. Bref, je n’ai pas vraiment le goût de m’épancher sur l’aspect artistique d’un produit qui n’est qu’une énième traduction de la tendance à l’hyperformatage des productions musicales actuelles star-académisées.

Sur le fond des choses, maintenant, notons que le communiqué de dévoilement de l’hymne indique que la chanson ne vise plus à rapprocher anglophones et francophones comme il était dit dans l’invitation, mais plutôt à traduire la volonté de « jeunes générations », de « toutes origines » « [d’]investir dans leur avenir commun ». C’est donc quelque chose qui devrait m’interpeller intimement, moi, la cible du produit, celui qui sort à peine de la vingtaine et qui est débarqué au Québec il y a six ans, dont la compagne est d’origine franco-ontarienne, et vivant dans un quartier non francophone à 36 %.

Pourtant, l’action gouvernementale fait erreur en soulignant « le désir de rapprochement exprimé par la communauté », considérant très maladroitement que la diversité dont on cherche à capter l’attention pourrait se réduire à un groupe homogène, monolithique. Comme si, par exemple, le peu d’altérité commune qui relierait déjà les statuts de jeune, d’immigré, de fils ou fille d’immigrant ou encore d’anglophone suffisait à niveler voire à supplanter toute différence sociale, économique ou philosophique. C’est en tout cas faire preuve d’une conception bien pauvre d’une société qui serait engoncée dans le déterminisme social, concept qui doit certes être mobilisé par le sociologue, mais qui doit être tout à fait insupportable pour le politique. Une conception républicaine de l’intervention publique serait au contraire existentialiste, visant à affranchir l’individu, bref, fournissant les outils de sa propre émancipation, car « l’homme, disait Sartre, est condamné à être libre. »

Précisons en conclusion, afin de désamorcer les commentaires de ceux qui affirmeraient que nous nous opposons à toute initiative de « rapprochement », qu’il n’en est évidemment rien… Ce serait d’ailleurs un comble, selon mon statut d’immigré. Je suis de ceux qui considèrent logiquement que le projet souverainiste devra composer avec le Québec, dans sa diversité, mais la séduction médiatique et la « gesticulation » ne sont certainement pas de bonnes conseillères. Des actions concrètes et structurantes ont déjà été évoquées, particulièrement en enseignement. M. Lisée, lui-même, a émis plusieurs hypothèses très intéressantes dans son livre Nous. Pourquoi donc s’être fourvoyé dans une entreprise de communication malhabile quand bien des suggestions sont déjà sur la table?

Entretien avec Martin Lemay, Député PQ

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Martin Lemay est le député du Parti Québécois de la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques (Montréal) à l’Assemblée nationale du Québec depuis 2006.

Porte-parole de l’opposition officielle en ce qui concerne la métropole montréalaise, il est aussi Président de son caucus de députés depuis le 9 janvier dernier.
Au cours de son second mandat (2007-2008), il a été porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de citoyenneté, d’immigration et de communauté. C’est à ce titre que nous l’avons rencontré le 18 novembre dernier, en pleine campagne électorale.

M. Lemay, soucieux de préserver la culture québécoise, notamment vis-à-vis des dangers du multiculturalisme, vous avez pris plusieurs fois position en faveur d’une approche rénovée de l’immigration au Québec. À ce titre, la décision de Mme la Ministre James de faire signer une déclaration aux nouveaux immigrants les engageant à respecter les valeurs québécoises vous semble-t-elle aller dans le bon sens?

  • J’aimerais dire deux choses à ce propos. Tout d’abord, il y a une confusion qui entoure la signature de cette déclaration : est-elle obligatoire ou non? Si elle est obligatoire, elle implique que vous ne receviez pas votre Certificat de sélection au Québec [CSQ]; ou est-ce un papier demandé parmi tant d’autres et cette déclaration n’emporte aucune conséquence en cas de refus. Dans ce cas, elle ne donne absolument rien…

Ensuite, il y a la manière d’aborder le sujet. Je trouve le procédé risible et réellement scandaleux parce qu’on vous demande de signer un papier sans qu’il y ait de contrepartie, c’est-à-dire que c’est à vous, en tant qu’immigrant, de vous débrouiller avec cela. Alors, certes, des valeurs, ça peut s’apprendre « intellectuellement », mais ça doit aussi se sentir avec le temps et on ne peut pas, par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures.

Vous regrettez donc que ce document n’ait aucune valeur juridique et qu’au final il ne soit, au mieux, qu’une déclaration d’intention et, au pire, une simple formalité administrative de plus pour les immigrants?

  • Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour. C’est « signez ici » et elle ne s’engage pas à offrir des cours de français, un encadrement pour trouver un emploi, ou aider l’immigrant à faire reconnaître ses diplômes le plus rapidement possible.
    Je trouve que ça n’amène absolument rien au débat, et la manière vraiment scandaleuse dont cela a été fait, à quelques jours d’une campagne que M. Charest a lui-même déclenchée : on a, passez-moi l’expression, « garroché » ce texte.

J’imagine que vous regrettez l’absence de débat sur le sujet?

  • Il n’y a eu aucun débat : la ministre a annoncé cela à Montréal, je n’étais pas au courant et n’en ai eu connaissance que quelques heures plus tard. De plus, ce n’est qu’un plan d’action. Un projet de loi a certes été déposé, mais il est mort au feuilleton à cause des élections. Donc tout cela est d’un cynisme époustouflant. Considérant l’important débat que nous avons eu ces dernières années, nous croyons que le dossier aurait pu être traité avec beaucoup plus de sérieux qu’il ne l’est actuellement. On se demande si M. Charest ne cherchait pas à se débarrasser de cette question pour démontrer que les libéraux ont fait leur travail. Au final, bien sûr, ce n’est pas vrai : tout est à recommencer et les documents déposés demeurent des plans d’action, c’est-à-dire que ce ne sont pas des lois ni des obligations communes.

Car, effectivement, le projet fait reporter ultimement la charge de l’intégration sur l’immigrant, notamment en se contentant de reporter les mesures de francisation à la période précédant son arrivée au Québec, c’est-à-dire quand il est encore dans son pays d’origine…

  • Un processus d’immigration c’est plusieurs mois voire plusieurs années. En conséquence, si, au cours de ce long processus, l’immigrant peut commencer à apprendre le français en amont, je trouve que cela est une bonne idée. Mais il ne s’agit pas que de cela, il faudrait faire en sorte que cette période soit aussi bonifiée pour assurer la reconnaissance des diplômes, etc. En bref, faire avancer le dossier au maximum pour que l’arrivée se fasse le mieux possible. L’immigré qui arrive doit pouvoir gagner sa vie et n’a pas le temps d’attendre 6 , 7 , 8 mois avant de pouvoir accéder à un cours de français : il faut que cela soit immédiat.
    Et puis, il y a un second aspect que je souhaitais aborder au sujet de ces cours de français. Si un immigrant sollicite le ministère de l’Immigration pour y accéder, il pourra être rémunéré pour cela, ce qui est une bonne chose d’ailleurs. Par contre, s’il suit ce cours par le biais du ministère de l’Éducation dans un Collège ou une Université, il n’aura pas de revenu. Il y a une évidente inégalité de traitement. Il faut donc remettre un peu de sérieux dans notre politique d’immigration, autant pour la société québécoise que pour l’immigrant, lui-même.

En matière de francophonie, vous ne pensez pas que cela soit un peu vain, puisque, on le sait, il est de plus en plus difficile pour des immigrants francophones unilingues, de trouver de l’emploi, notamment sur Montréal?

  • La confusion des messages devra cesser à cet égard, parce qu’effectivement de nombreux immigrants sont unilingues francophones. Dans le programme du PQ, nous prenons l’engagement de vérifier, auprès des employeurs, cette supposée nécessité du bilinguisme. On reconnaît certes que cela est fondamental dans certains secteurs de l’activité économique, mais on a de sérieux doutes sur cette demande de bilinguisme à si grande échelle. D’où la nécessité de mener des enquêtes.
    Mais, lorsque je vous parlais de confusion de message, la politique canadienne entretient cette confusion-là : les gens arrivant au Québec reconnaissent effectivement le français comme langue officielle, mais, dans le même temps, on a cette politique canadienne avec le bilinguisme, le multiculturalisme et, au final, la citoyenneté canadienne. Évidemment, notre indépendance, notre souveraineté régleraient, entre autres choses, ces confusions.
    Il n’y a rien de pire qu’être une Province se dotant d’une politique d’immigration, alors que, dans le fond, on ne contrôle ni les tenants ni les aboutissants de cette politique. Ultimement, il y a cette citoyenneté canadienne que les gens souhaitent légitimement, mais qui ne favorise pas le combat linguistique au Québec.
    Bien évidemment, il faudra aussi mettre l’accent sur la régionalisation, car les emplois existent aussi en dehors de Montréal, en particulier à Québec qui est une ville qui explose sur le plan économique. Lorsque nous avons tenu la commission sur les niveaux d’immigration au Québec, plusieurs Régions sont venues nous solliciter pour expliquer leur besoin en immigration, en main-d’œuvre. Elles sont prêtes à accueillir les gens. La politique de régionalisation doit donc être beaucoup plus énergique qu’elle l’est présentement, même si on comprend que, comme dans la plupart des pays, les immigrants sont d’abord attirés par les grandes métropoles.

Pour en revenir à la déclaration sur les valeurs, comment expliquez-vous que l’accent soit mis sur la francophonie, en tant que telle, et non sur des valeurs comme l’égalité, la tolérance, etc.? Est-ce que ce n’est pas confondre le moyen et la fin?

  • Nous sommes d’avis que si vous parlez la langue de la majorité vous intégrerez d’autant plus facilement ses valeurs. En toute logique, les deux vont ensemble et sont intimement liées. La francophonie est donc au cœur de nos valeurs parce que c’est elle qui permettra de les comprendre, ainsi que les « codes » de la société.
    C’est fondamental, surtout dans la perspective de cette volonté de perdurer en Amérique du Nord (nous ne sommes pas plus de 3 %). Nous n’avons pas toute la diversité culturelle linguistique et culturelle de l’Europe : c’est anglo-saxon, avec toute la puissance culturelle des États-Unis juste à côté. Il faut donc trouver des moyens de perdurer. Alors, beaucoup de monde nous critique à ce sujet, mais ils oublient toujours ce constat. La mondialisation c’est surtout l’américanisation, ne nous le cachons pas, et les États-Unis sont juste à côté, à moins d’une heure et à 6 h de voiture de New York! Le défi est donc d’autant plus grand à relever : pour beaucoup, arriver au Québec c’est arriver en Amérique du Nord, donc c’est l’anglais…
    Alors, permettez-moi de vous témoigner de mon désaccord à l’égard des récents propos de votre président à Québec.

Pour atteindre cet objectif de francisation, pensez-vous qu’il faille durcir les processus de sélection?

  • Je ne pense vraiment pas que cela soit nécessaire, dès lors que l’on adopte une politique plus sérieuse que celle que je vous décrivais tout à l’heure. Nous sommes d’avis au Parti Québécois que cela prend quelques réformes au ministère de l’Immigration, mais serrer la vis ne servirait à rien. Hors cas de demandes de réfugiés ou de regroupements familiaux qui sont du ressort fédéral, il est certain que la tendance restera francophone/francophile au niveau de l’immigration économique… mais encore faut-il que ces gens-là y trouvent leur compte, car ce n’est pas toujours le cas, je le reconnais, sur le plan du travail ou de la reconnaissance des acquis.
    Je le répète, l’immigration c’est un contrat à deux niveaux : l’immigrant a des responsabilités, mais la société d’accueil en a aussi.

La voie de l’immigration est inéluctable pour le Québec. Différentes analysent ont démontré qu’il faudrait 300.000 nouveaux immigrants chaque année pour assurer l’équilibre…

  • Je ne crois pas à ces chiffres. On désigne là du travail au rabais et même les 45.000 immigrants annuels, nous les atteignons difficilement. Je ne crois pas que le problème réside dans le niveau de l’immigration. Nous préférons parler de stratégie plutôt que de niveau. Ce gouvernement ne nous parle que de chiffres, mais nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, eh oui à une politique de régionalisation de l’immigration. Il est impératif de mieux organiser l’accueil avec les services de la Province, mais aussi avec les organismes communautaires, les associations d’employeurs, les ordres professionnels, les universités, etc., pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie. Nous n’avons plus les moyens de perdre un talent.

La reconnaissance des formations est longue elle aussi : plusieurs mois pour la seule reconnaissance des diplômes obtenus hors Québec, parfois plusieurs années pour certaines professions réglementées…

  • En fait, les ordres professionnels vont demander de mettre à jour certaines connaissances par l’obtention de certificats, mais le rôle de ces ordres n’est pas que d’agréer de nouveaux membres : leur mandat, avant tout, c’est de veiller à la protection du public. Le problème, c’est que les Universités ne proposent pas ces cours d’appoints et demandent à ce que les années soient reprises au complet. Alors vous recevez quelqu’un qui a trente ans, qui a une famille à faire vivre et qui est obligé de retourner à l’école à temps plein. Et après cela, certains employeurs ont encore des inquiétudes à l’égard de diplômes obtenus à l’étranger, sans qu’ils sachent toutes les démarches que l’immigrant a pu entreprendre pour les faire reconnaître ici. De plus, pour l’immigré non francophone, cela prend en plus un permis de l’Office de la langue française; or, seuls deux bureaux au Québec sont en mesure de le fournir.
    On le voit, le système n’est pas adapté pour aider l’immigrant qui se perd dans ce dédale administratif extrêmement complexe.

Y a-t-il des expériences de testage auprès des employeurs pour apprécier les discriminations à l’embauche?

  • Je connais une personne à qui c’est arrivé, qui a fait cela et qui a gagné devant la commission des droits de la personne. Il avait changé son nom pour « Tremblay » et il a été appelé pour l’employeur. Il n’a pas nécessairement été embauché, mais a été appelé…
    Sans sortir les « gros mots », je pense que les gens ont douté de la qualité de sa formation. À mon avis, il s’agit plutôt d’une méconnaissance et c’est à nous, en tant que pouvoir public, de parler aux associations d’employeur pour les inciter à embaucher ses travailleurs spécialisés dont le Québec a besoin. Après toutes ses démarches complexes dont on parlé, et qui, en plus, coûtent de l’argent, on a aussi à assumer nos responsabilités. Il ne s’agit pas de donner une « partie gratuite », mais de leur dire « voici le cheminement et nous allons vous accompagner… » Ce n’est ni trop exiger, ni trop offrir.

Nicolas Sarkozy a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour le communautarisme et le multiculturalisme à la canadienne. Pourtant, les 27 pays européens viennent d’adopter une position commune dans laquelle la langue est considérée comme l’un des trois piliers dans les politiques migratoires. Cette tendance témoigne-t-elle de la validité de votre approche linguistique de l’intégration?

  • Avec mon bureau, nous sommes en train d’effectuer un travail sur l’ensemble des pays occidentaux qui amendent actuellement leurs lois sur l’immigration et tous ces pays parlent de langue, d’apprentissage de l’histoire nationale, etc. Même l’Angleterre…
    Il n’a plus que le Canada à faire cavalier seul avec son communautarisme, quand l’Angleterre, pays du multiculturalisme par excellence, est en train d’y renoncer. Le Home office vient de déposer un projet de loi qui établit trois étapes pour accéder à la citoyenneté britannique et parmi les critères évalués il y a langue, bien sûr, mais aussi l’implication, non pas dans sa communauté, mais dans la communauté nationale. En conséquence, le Canada est de plus en plus isolé dans cette stratégie. La décision des États membres de l’Union européenne confirme que la question linguistique doit être au centre des politiques d’immigration.

Enfin, pour conclure, nous aurions souhaité que vous nous présentiez les mesures qu’adoptera votre parti une fois aux affaires, pour répondre à cet enjeu de société alors que le Québec évolue dans une société sans cesse plus globalisée.

  • Il s’agit d’un véritable combat politique que nous devons mener afin de rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration. On souhaite la souveraineté au Parti Québécois, bien évidemment, mais le rapatriement de ces pouvoirs permettrait, dans un premier temps de cesser les confusions de messages dont je faisais mention tantôt. Il s’agit là de la première bataille.
    À vrai dire, même si je n’aime pas vraiment le terme de contrat, il s’agit aussi de définir rapidement les obligations des uns et des autres, pas de juste de l’immigrant et de la société d’accueil, mais des deux. Il me semble intéressant que les deux parties s’entendent dans une démarche commune pour faciliter l’intégration.
    Troisièmement, il s’agirait de faire le ménage dans la désorganisation totale du ministère de l’Immigration. En passant, je vous souligne que quatre ministères interviennent en la matière : l’immigration, évidemment, la santé, emploi et solidarité sociale, éducation. Certes, il y a un budget de 270 millions de dollars assigné à cette mission, mais il est divisé en quatre. Je défie quiconque de s’y retrouver dans tout cela. Plus tôt, je vous ai parlé des cours de langue, c’est devenu un exemple classique…
    Ensuite, je vous dirai qu’en matière d’immigration, il y a un ensemble d’organismes communautaires qui ont développé une expertise extraordinaire sur laquelle il faudra s’appuyer pour aller plus en avant. Ces partenaires devront être intégrés de façon plus importante.
    Enfin, je vais me répéter, il faut entreprendre une politique énergique de régionalisation pour que les régions soient prêtes à accueillir les nouveaux arrivants, que ces derniers aient le meilleur encadrement possible et qu’ils puissent travailler très rapidement. En fin de compte, on parle de valeurs, d’apprentissage de langue, etc., mais c’est l’emploi la principale finalité. Si, les nouveaux arrivants sont obligés d’apprendre l’anglais pour gagner leur vie, ils vont l’apprendre et ce sera normal, mais notre objectif ne sera pas atteint. Il faut que les gens qui arrivent gagnent leur vie le plus rapidement possible, mais en français.
    Donc comme vous pouvez le constater, il y a encore beaucoup de travail devant nous…

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« La francophonie est au coeur de nos valeurs »

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Texte publié dans l’édition du 27 novembre 2008 du quotidien français L’Humanité

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300 000

Selon l’organisme Statistique Canada, c’est le nombre d’immigrés que le Québec devrait accueillir chaque année pour pallier la baisse ou la stagnation de sa population.
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Le Québec opte pour la préservation de son identité tout en continuant d’accueillir de nouveaux immigrants

Malgré sa politique migratoire forte, le Québec vient de rompre avec le laisser-faire canadien. Le 29 octobre dernier, Mme Yolande James, ministre québécoise de l’Immigration et des Communautés culturelles, a annoncé que les candidats à l’immigration devront désormais signer un document par lequel ils s’engagent à respecter les « valeurs communes » de la province. Parmi celles-ci figurent notamment le fait que « le français est [la] langue officielle » et que « les pouvoirs politiques et religieux sont séparés », la ministre précisant qu’en cas de refus de signer cette déclaration, « la personne ne pourra pas venir ». Cependant, cette déclaration signée n’aurait aucune valeur coercitive : il s’agirait donc d’une simple formalité administrative additionnelle et non pas d’un contrat. Dans ce cas, pourquoi envisager une telle procédure? M. Martin Lemay, député du Parti Québécois et porte-parole en matière de citoyenneté et d’immigration, s’indigne du « manque de sérieux » accordé à ce dossier et constate que l’on ne peut pas, « par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures. Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour ». Favorable à un rééquilibrage des rôles, le parlementaire souverainiste plaide en faveur de l’émergence d’un accord qui poserait noir sur blanc les obligations mutuelles de l’immigrant et de l’État. Ce dernier doit notamment s’engager à mieux organiser ses services d’accueil (dispositifs d’apprentissage de la langue, de reconnaissance des diplômes et des acquis, etc.), « pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie, car nous n’avons plus les moyens de perdre un talent ».

Si la langue apparaît comme étant l’élément central du dispositif d’intégration, c’est que les Québécois sont convaincus qu’il s’agit du médium à privilégier pour partager leur culture. En ce sens, la nation québécoise repose sur un ensemble de valeurs dont la francophonie est le cœur et le phénomène de globalisation les menace un peu plus chaque jour. Les conséquences sont directes pour les citoyens : il devient par exemple de plus en plus difficile de trouver un emploi unilingue francophone dans les rues de Montréal. Ce combat n’est donc pas d’arrière-garde et constitue une nécessité pour la préservation d’une société canadienne-française en Amérique du Nord.

Aussi, sans rompre avec la tradition d’accueil qui fait la fierté des Québécois, l’ancienne députée du Bloc Québécois, Vivian Barbot, avait déclaré souhaiter voir émerger une politique proactive en faveur de ceux qui choisissent « de se joindre à une nation qui a une histoire, des valeurs, une culture et un désir de vivre ensemble [pour] favoriser l’intégration de tous au sein de la nation québécoise et de préserver un espace neutre et laïc ».

En conséquence, si comparaison il doit y avoir avec les obsessions de Brice Hortefeux, elle ne peut qu’être limitée. À plusieurs reprises, Sarkozy a manifesté ses accointances à l’égard d’un multiculturalisme canadien qui fait la part belle aux communautés. En effet, il serait trompeur de croire en ses bienfaits, car il ne fait qu’entretenir la passivité de l’État. La France n’est pas le Canada, et utiliser ses méthodes en ne prenant pas le fait migratoire à bras le corps est une chose que l’on ne peut plus se permettre. Le multiculturalisme peut paraître séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe assez peu « coûteux » : intégrer une communauté nationale tout en préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle société d’accueil, est assez simple… Mais cet idéal ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il débouche inéluctablement sur le communautarisme le plus exacerbé, tout en fragilisant les bases d’un « vivre-ensemble » partagé et transcendant les cultures, croyances et philosophies. En outre, la prétendue politique d’intégration nouvellement mise en place en France ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’acceptation de l’étranger (ce qui n’est pas le cas quand on voit les quotas de reconduite à la frontière), à défaut de quoi elle ne constitue qu’un outil de plus pour jeter l’opprobre sur l’immigrant. La politique « d’immigration » sarkozyste prend donc le problème à rebours.

Au Québec, même si l’objectif de stabilité économique de 300 000 immigrants est souvent contesté, il s’agit avant tout, selon Martin Lemay, de « parler de stratégie plutôt que de niveau. Jean Charest [Premier ministre du Québec] ne nous parle que de chiffres. Plutôt que de niveau nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, et oui à une politique de régionalisation de l’immigration ».

Il est clair que le modèle d’intégration républicaine par la convergence interculturaliste reste une option politique viable en France et ailleurs. Plus que cela il peut s’ériger en modèle de société laïque ouverte sur un XXIe siècle mondialisé. Contrairement aux ministres français et québécois de l’Immigration, il ne faut pas croire que la charge de l’intégration pèse uniquement sur l’immigrant. De la même manière que la « main invisible » libérale est illusoire, l’intégration ne peut pas être une génération spontanée, encore moins l’œuvre de l’Esprit saint… Elle implique au contraire un effort réciproque d’acceptation de l’autre dans la communauté nationale. Cette dernière doit donc s’impliquer elle-même dans cet effort d’intégration, à commencer par ses institutions, qu’il s’agisse alors d’un État ou d’une Province.