À l’invitation de groupes locaux, « l’intellectuel » franco-suisse Alain Soral sera au Québec au cours de la prochaine semaine. La venue de ce condamné pour incitation à la haine raciale fait notamment suite à celle du skinhead Serge Ayoub, l’an dernier, aussi connu sous l’évocateur pseudonyme de « Batskin ». Or, que l’on ne se méprenne pas, la présence de ces idéologues d’extrême droite n’a rien d’un insignifiant folklore, car, en dépit du passé de ces individus, nous avons affaire à des individus qui dépassent l’imagerie traditionnelle et caricaturale du ségrégationniste.
Tel que l’exprime le nom du regroupement de M. Soral, Égalité et réconciliation, ils développent des discours qui ont l’ambition de faire la synthèse : « droite des valeurs et gauche du travail » sont la pierre angulaire de leur doctrine. D’ailleurs, dans cet effort de résoudre une improbable quadrature du cercle idéologique, Alain Soral ne décrit-il pas aimablement Jean-Marie Le Pen, dont il fût quelque temps le conseiller, comme « un personnage entre De Gaulle et Chavez » [1]? Plus réalistement, n’oublions pas que celui-ci, d’abord encarté au Parti communiste français s’était fait connaître au début des années 1990 en s’évertuant à rallier communistes et nationalistes-extrêmes contre le libéralisme international incarné par « Wall Street, le sionisme, la bourse de Francfort et les nains de Tokyo » [2]. Toute une perspective…
En fait, son discours est fortement marqué par un tiers-mondisme de façade et c’est ce qui peut séduire en surface. Lorsque l’on gratte, on constate néanmoins rapidement que cela l’amène à faire preuve d’une grande magnanimité, par exemple, à l’égard du régime iranien dont il fût plusieurs fois l’invité aux côtés de Dieudonné et Thierry Meyssan. Magnanimité d’autant plus grande quand on reconnaît les points de convergences qu’il entretient avec le président Ahmadinejad qui souhaite la destruction d’Israël et avec la vision rétrograde du rapport hommes — femmes des ayatollahs, car, pour lui, l’Islam est « une religion virile et simple » [3]. Lecture religieuse complètement fantasque, mais qui lui permet de justifier l’autre pan de sa rhétorique fumeuse, basée sur le clouage au pilori de l’émancipation des femmes et la condamnation de l’homosexualité, cette « perversion » [4] selon ces propres mots.
Ceci étant, le cas particulier de M. Soral ne mérite pas de consacrer plus de temps. Son parcours, ses idées et ses liens organiques avec certains groupuscules ont été longuement étudiés, notamment au Québec par le site FachoWatch.com. Ce qu’il convient de faire, plus précisément, c’est de marquer clairement notre opposition au fait que le mouvement nationaliste québécois puisse être influencé par un verbiage national-révolutionnaire que n’auraient pas renié les Jacques Doriot ou Marcel Déat des années 1930.
Il est vrai que les extrêmes droites et leurs raisonnements tentent de poindre leur nez, parfois de bonne foi, par une imprudente méconnaissance des faits, ou plus rarement volontairement, par l’action de nationaux-socialistes revendiqués, tels ceux de Faction nationaliste. Toutefois, le Québec des idées n’a nullement besoin de ça pour grandir et s’enrichir : la vigilance est présente et une chose est donc certaine, « vous ne passerez pas », jamais.
[1] Christophe Deloire, Le Point, 20 novembre 2006
[2] Jean-Paul Cruse, L’idiot international, mai 1993. Alain Soral en est coauteur.
[3] Alain Soral, Abécédaires de la bêtise ambiante : Jusqu’où va-t-on descendre?, 2008