Clore le cycle ouvert il y a 10 ans

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Ce texte a été publié dans La Presse du 14 juin 2021.

Il y a 10 ans, Pierre Curzi, Louise Beaudoin et Lisette Lapointe quittaient le Parti québécois (PQ). Ces trois députés seront rejoints le lendemain par un quatrième, alors méconnu, Jean-Martin Aussant, qui allait fonder Option nationale dans les semaines suivantes. L’hémorragie aurait pu être bien pire pour le Parti québécois : si la fronde avait conduit les autres élus en réflexion à démissionner du caucus, nul ne peut concevoir ce qui serait advenu.

On sait comme les crises sont l’occasion pour les institutions de démontrer leur robustesse et celle-ci n’a pas fait défaut : malgré ces départs, le PQ allait ensuite gagner les élections, mais peu à peu perdre d’influence. Une décennie plus tard, et alors que le mouvement indépendantiste peine à refaire de gains, un bilan de cette séquence mérite d’être opéré.

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Parce qu’il est encore temps de rêver

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Esquisse sur la naissance d’Option nationale ou la tentative de rénover l’engagement militant par la base

À paraître dans le prochain
numéro de l’Action nationale

Ce texte sera publié dans le numéro de juin de l’Action nationale, consacré aux 25e anniversaire des Intellectuels pour la souveraineté.

Par cet article, nous souhaitons engager une réflexion sur la naissance d’Option nationale (ON), un mouvement qui, en dépit de ses nombreuses faiblesses, a représenté un espoir pour une part non négligeable de la population. Ce parti arrivait sur la scène politique 16 ans après le dernier référendum et allait insuffler un inattendu vent de fraîcheur militant chez une génération qui n’avait pas pu s’exprimer au référendum de 1995. À défaut d’estimables succès, on ne peut en nier les succès d’estime. Observons donc sereinement les faits. D’aucuns avaient considéré qu’après la naissance de Québec solidaire, ON avait été un coup de massue fatal sur le fragile édifice indépendantiste, voire la mère de tous les maux: cela est probablement tout à fait exagéré. La lente chute du Parti québécois (PQ) ne résulte pas d’une seule cause et l’émiettement du mouvement indépendantiste en de multiples chapelles n’a pas attendu ON ou Québec solidaire QS).

Michelot, F. (2020). Parce qu’il est encore temps de rêver. Esquisse sur la naissance d’Option nationale ou la tentative de rénover l’engagement militant par la base. L’Action Nationale, CX(6), 140–153.

  Lire la suite sur le site de L’Action nationale.

Non à une révolution de palais!

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Texte publié dans l’édition du 10 juin 2015 du quotidien Le Devoir

À quoi bon avoir des règles internes si un citoyen, aussi méritant soit-il, peut prendre le contrôle d’un appareil partisan, comme il ravirait un sceptre, sans même que cela ne pose de questions de démocratie interne ? Les statuts et règlements, ce n’est pas une simple question d’intendance, c’est l’outil qui garantit la pérennité de l’association volontaire d’individus éclairés, sur la base d’une organisation librement consentie.

Alors que le cynisme à l’égard de la classe politique et la défiance vis-à-vis des institutions ravage les démocraties occidentales depuis plusieurs décennies, les expériences populaires qui fleurissent à travers le monde devraient pourtant être un phare pour nous tous, militants ou non. Pour paraphraser Tocqueville, les moeurs politiques changent, car « dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau ». Par l’adhésion qu’elles emportent, ces expériences populaires témoignent en creux du fait que l’ancienne manière de faire de la politique est morte et qu’un souffle nouveau doit jaillir dans l’arène politique.

Le Bloc québécois n’a rien de Buckingham Palace. M. Duceppe a une place majeure dans le mouvement souverainiste contemporain, mais rien ne justifie qu’il bénéficie, tel un monarque de droit divin, d’un quelconque droit de préemption sur la cause qu’il défend à Ottawa. Surtout, ce retour n’augure rien de bon quant à l’absence d’aggiornamento et même d’autocritique après la lourde défaite de 2011. Et ce n’est certainement pas le « pardon » accordé au Québécois à l’égard de la vague orange qui arrangera les choses.

Aussi, devant les défis électoraux qui arrivent à grands pas, le Bloc québécois doit garantir le parallélisme des formes afin d’accréditer la légitimité de son principal porte-parole. Les technologies de l’information accordent aujourd’hui suffisamment de latitude pour pallier cet impondérable. Pour ce faire, le minimum serait que le Bloc propose un vote de confiance électronique à ses militants.

Le 7 avril 2014, et après ? Affronter les idées, sans affront à l’indépendance

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Entrée libreLettre publiée dans l’édition de juin du mensuel communautaire sherbrookois Entrée Libre

De mai 2011 à avril 2014, le mouvement indépendantiste a connu deux défaites cinglantes. Prises sur le temps long, ces deux résultats tendraient, selon certain, à confirmer le déclassement durable du mouvement indépendantiste. En effet, hormis l’occasion de l’élection de 2012 — à appréhender d’ailleurs dans un contexte extraordinaire de crise sociale — le Parti québécois n’a plus été le parti préféré des Québécois depuis 1994.

Est-ce à dire que l’échec des deux principaux véhicules prétendant au monopole du discours indépendantiste traduit par lui-même l’échec d’un mouvement, de son idée, de l’espoir qu’il entretient ? Certainement pas, car si l’échec discursif autant que stratégique est réel, l’Histoire démontre que bien des mouvements populaires se sont relancés en renouvelant leurs approches.

L’Union, une fin en soi ?

« Unité ! », crient encore certains, comme une incantation divinatoire pour ainsi éviter de penser. Depuis son origine, l’indépendantisme contemporain est pourtant parcouru de deux grandes tendances, progressiste ou conservatrice, que rarement les hiérarques souverainistes ont su authentiquement fédérer. Certains se revendiquent de la première, car la Gauche porteraient en elle la volonté de dépassement de l’ordre établi, volonté découlant elle-même de l’idée que rien ne peut résister aux progrès de l’esprit humain. Les seconds expliqueront leur attachement au projet national sur la base d’autres raisonnements propres à la préservation de l’identité. Ils ne sont probablement pas nécessairement moins valides, mais seraient plutôt complémentaires, puisqu’ils attaquent par leurs raisonnements certains angles morts des discours de gauche.

Cette pluralité d’analyses, quoi qu’il en soit, est souhaitable et, contrairement à ce que laisse penser le paysage politique, ce point de vue est largement partagé parmi bien des indépendantistes de tous bords. Ainsi, contrairement à la fausseté répandue de façon intéressée que Québec solidaire pose des conditions à l’indépendance, on doit enfin accepter de voir dans le parti de gauche la volonté légitime d’inscrire la démarche indépendantiste dans un courant qui rejoindra mieux les aspirations de certains. De la même manière, la nature de l’Action démocratique du Québec, dans ses premières années, correspondait à cette réalité. Cela ne l’a pas empêché de souscrire à la campagne du Oui en 1995.

Vers la reconnaissance d’un mouvement pluriel

Quid, dans ce cas, du Parti québécois né de cette volonté ambitieuse de fédérer les forces indépendantistes dans une seule et même organisation ? Historiquement, la méthode a été privilégiée, notamment en considération du système électoral dans lequel nous évoluons. Ceci étant, cette approche n’est pas indépassable. Étant donné les résultats très nuancés de cette stratégie partisane depuis 1968, il n’est d’ailleurs pas illogique qu’elle soit légitimement remise en cause. Aussi, s’il est clair que le mouvement indépendantiste est pluriel et que cette pluralité constitue une richesse, il faudra bien accepter un jour ou l’autre que, de façon organique, la tendance à sa nucléarisation est inexorable. Il est en fait ridicule de considérer que des votes puissent se diviser ou s’additionner comme des marchandises lors d’un inventaire d’épicerie.

Le choix des électeurs est plus complexe : premièrement, plusieurs études amènent à considérer que leur comportement dans l’isoloir est déjà très fortement conditionné par l’intériorisation du mode de scrutin en vigueur ; deuxièmement, les transferts de voix d’un « tiers parti » au PQ, notamment, ne seraient pas si automatiques et l’on pourrait supposer qu’à défaut de formation qui leur correspond, beaucoup d’électeurs s’abstiendraient. En bref, la politique est une des rares situations ou 1+1 ne fait pas nécessairement 2.

En outre, indépendamment de ce que l’on peut penser des idées développées par QS et ON, ces partis apportent beaucoup au civisme et à la cause de l’indépendance en mobilisant une masse importante de la population, parfois en marge du jeu politique dominant, tout en compliquant à leur corps défendant la représentation d’une certaine option indépendantiste en chambre. Le défi actuel consiste donc à mettre en place une organisation qui multipliera leurs efforts sincères de pédagogie, de persuasion et de renouvèlement au profit du rassemblement. Pour y répondre, certains parlent de primaires ou encore de contrats de gouvernement.

Quoi qu’il en soit, c’est une lapalissade d’affirmer que les résultats du 7 avril dernier n’ont pu contenter aucun souverainiste. Les raisons de cette insatisfaction sont certainement diverses, mais la déception est bien partagée. Du fait des accusations de division du vote ou de culpabilisation de l’électorat, des rancœurs en sont même probablement nées, peut-être durablement. Aussi, si l’on souhaite en tirer des leçons et resserrer les rangs pour converger vers notre objectif commun, il faut que le PQ, QS et ON agissent rapidement en faisant l’effort de dépasser ces résultats qui ne sont que le produit négatif d’une conception archaïque du jeu électoral et non le seul fait de la mauvaise foi de l’un ou de l’autre. La prochaine fois pourrait être pour très bientôt si tant est que l’on crée enfin collectivement les conditions de la collaboration plutôt que de cultiver les prés carrés : résolument, l’indépendance doit prendre la voie de la convergence dans le respect de sa diversité.

L’échec du rassemblement national par le mythe du Centre plutôt que par la seule indépendance

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Le billet a été édité le 10 mars 2014

Lettre publiée dans sa version raccourcie dans l’édition du 12 mars 2014 du quotidien Le Devoir

Comme pour des milliers d’individus immigrants et nouvellement citoyens, j’aurai l’honneur d’exercer pour la première fois mon devoir de citoyen à l’occasion du scrutin du 7 avril prochain.

Depuis mes premières semaines ici, en 2006, je porte dans mon coeur le projet indépendantiste. Quoi que certains veuillent faire croire que les nouveaux arrivants sont plus frileux sur la question nationale, je crois au contraire que beaucoup d’entre eux y sont bien plus disposés qu’on ne le pense. La raison en est simple : la normalité d’appartenir à un État souverain, nous la connaissons, de même que la possibilité d’être fier de sa Nation, lors d’une compétition ou d’événements rassembleurs notamment, sans à devoir supporter les Cassandres qui accusent de tout politiser. L’indépendance pour moi, comme pour beaucoup de mes nouveaux concitoyens donc, elle est nécessaire, urgente et réalisable.

Indépendantistes : ni ennemis à droite, ni adversaires à gauche

Un rassemblement de Cap sur l’indépendance avec, notamment, Françoise David, Bernard Landry, Vivian Barbot, Pauline Marois et Daniel Paillé — Photo Le Devoir

Je suis un homme de Gauche, aussi. C’est d’ailleurs selon moi, un corollaire logique de mon indépendantisme — les deux étant intimement liés, se nourrissant l’un et l’autre —, la Gauche portant en elle la volonté de dépassement de l’ordre établi, volonté procédant elle-même de l’idée que rien ne peut résister, pas même les plus grands défis, aux progrès de l’esprit humain, lorsque particulièrement mû par des projets collectifs.

D’autres expliqueront leur attachement au projet national sur la base d’autres raisonnements. Ils ne sont à mes yeux pas moins valides; au contraire, ils tout aussi louables, car complémentaires, puisqu’ils attaquent par leurs raisonnements certains angles morts des discours de gauche.

Cette pluralité d’analyses est souhaitable et ce point de vue est largement partagé parmi les indépendantistes de tous bords. Ainsi, contrairement à la fausseté répandue de façon intéressée que Québec solidaire pose des conditions à l’indépendance, on doit enfin accepter de voir dans le parti de gauche la volonté d’inscrire une démarche dans un courant qui rejoindra mieux certains courants de pensée. La nature même de l’Action démocratique du Québec, dans ses premières années, correspondait à cette réalité. Cela ne l’a pas empêché de souscrire à la campagne du Oui en 1995.

Aussi, s’il est clair que le mouvement indépendantiste est pluriel et que cette pluralité constitue une richesse, il faudra bien accepter un jour ou l’autre que, de façon organique, la tendance à sa nucléarisation semble inexorable.

La dislocation programmée du bloc souverainiste

Dans l’absolu donc, qu’un grand chef d’entreprise québécoise se rallie ouvertement au projet indépendantiste n’est pas de nature à heurter mes convictions. Et, oserai-je même, ce genre de ralliement me semblerait à même de renforcer notre projet collectif si toutefois le Parti québécois tenait un discours clair et disposait d’une stratégie rassembleuse autour de l’indépendance. Refuser de « faire de la politique ouverte » et se contenter de s’en remettre à la nébuleuse rédaction d’un « livre blanc », c’est demander au peuple de faire aveuglément confiance à ses dirigeants. D’ailleurs, parler de « prérogative » ministérielle tel un pouvoir régalien médiéval, comme l’a fait Mme la Première ministre Marois, cela dénote une bien mauvaise compréhension de cet élan inexorable et universel de démocratisation participative.

Ajoutons à cela que ledit entrepreneur est à l’origine de conflits sociaux parmi les plus médiatisés qu’ait connus le Québec de ces dernières années. Bref, il n’est pas besoin d’être grand devin pour comprendre que cela puisse facilement paraître pour un bras d’honneur à ceux des progressistes-indépendantistes fatigués d’avoir trop longtemps contorsionné leurs convictions au profit d’un parti de coalition qui n’assume plus qu’à demi-mot son essence.

Le Parti québécois est né de cette volonté ambitieuse de fédérer les forces indépendantistes dans une seule et même organisation. Historiquement, cela a été privilégié, notamment considérant le système électoral inique dans lequel nous évoluons. Ceci étant, cette approche n’est pas indépassable. Étant donné les résultats très nuancés de cette stratégie partisane depuis 1968, il n’est pas illogique qu’elle soit légitimement remise en cause.

Rassembler, c’est une responsabilité

Et si M. Péladeau rappelait ce matin les mots de M. le Premier Ministre Landry, « ni à droite, ni à gauche, devant! », il revient au seul Parti québécois de faire la démonstration claire que l’indépendance est effectivement devant nous, sans les atermoiements brumeux dont la première semaine de campagne nous a encore abreuvés, de la formule du « premier mandat, dans le deuxième, dans le troisième », au fameux « en temps et lieu ». Autant la profession de foi indépendantiste de M. Péladeau peut être saluée, autant la démarche opaque privilégiée par les officines péquistes doit être condamnée.

Ce n’est pas en se déclarant être le lieu de rassemblement du mouvement souverainiste qu’on le devient de facto. Regrouper des gens qui se disent de droite ou de gauche ne le permet guère plus; tout au plus, cela démontre une certaine capacité de conciliation. Rassembler les indépendantistes, cela ne peut se faire qu’en assumant pleinement le seul dessein qui les unit : la souveraineté du Québec.

Qu’on le veuille ou non, d’ici à ce que le flambeau de l’indépendance soit repris dans un élan d’unité nationale, la démarche embarrassée qui préside au PQ depuis 2007, confirmée par cette première semaine de campagne, n’en finit plus de valider les démarches de Québec solidaire et d’Option nationale.