Réponse à l’article « Le dogmatisme de Duceppe » de Jean-François Caron, publié dans le quotidien La Presse du mercredi 3 septembre 2008, qui dénonce la « pensée simpliste gauchisante du chef du Bloc Québécois ».
M. Caron dénonçait aujourd’hui dans la Presse l’empreinte du dogmatisme dans les paroles du chef du Bloc Québécois.
Non sans cynisme, il concède qu’il est dans l’ordre des choses, en politique, de se lancer dans de douteuses enflures verbales. Voilà pour commencer un parti pris qui ne fait pas honneur à la démonstration que son auteur cherche à apporter. En effet, cela reviendrait à considérer que le jeu politique ne saurait être apaisé et, surtout, puisque tous les politiciens seraient hypocrites, il conviendrait à tout prix de faire preuve d’une invraisemblable déférence à l’égard de l’intolérable.
Dans le fond, peu importe que M. Duceppe soit ou non de gauche. Ce que ce dernier conspue, c’est la Réaction. Car à lire M. Caron, la politique est mauvaise et ne serait donc juste qu’en étant insipide. Alors, doit-on reprocher au chef souverainiste de croire en des valeurs transcendantes au sein de la société québécoise? René Lévesque l’avait affirmé : les Québécois sont « celles et ceux qui habitent le Québec et l’aiment » et Bernard Landry d’ajouter plus tard « … et qui l’adoptent ».
Un projet authentiquement humaniste ne peut bien évidemment s’inscrire dans la lecture aussi ethniciste que passéiste de Jean-François Caron au sujet du peuple québécois.
Or, si M. Duceppe a une qualité, c’est bien celle de faire preuve de concordance entre ses convictions profondes (la souveraineté) et ses propositions. Une nation, doit-on lui rappeler, réside sur la conjonction de trois facteurs, à savoir une communauté humaine identifiée dans des limites géographiques, mais dont le trait commun supposé est la conscience d’une appartenance à un même groupe, cela passant notamment par le partage d’un corpus de valeurs. Comment dans ce cas reprocher au chef du Bloc de faire des choix?
À suivre le raisonnement de J.-F. Caron, le fait qu’un État comme la France repose sur un triptyque républicain de liberté, d’égalité et de fraternité n’aurait donc aucune légitimité, pas plus d’ailleurs que les États-Unis qui ont eu l’outrecuidance de déclarer leur indépendance en 1776 en se référant à certaines notions qui ont encore valeur juridique aujourd’hui!
Aussi, loin d’être l’expression d’un gauchisme simpliste, l’existence même du Bloc Québécois se révèle complexe puisqu’il n’est pas homogène. Il n’en demeure pas moins que son discours est cohérent et qu’une société, aussi diverse soit-elle en idées, en croyances, en origines, etc., peut être parcourue par des objectifs communs.
M. Caron est libre de faire le choix du conservatisme et de rejeter l’idée solidariste défendue par Gilles Duceppe comme fondement d’une nouvelle société. Cela ne l’autorise nullement à critiquer l’ambition de voir émerger une société qui se projette dans l’avenir plutôt que de se replier sur elle-même.