Texte consigné avec Julien Duquenne.
Les quotidiens Le Figaro et la Voix du Nord annonçaient en début de semaine la décision de l’administration de Lille 2 d’annuler l’adaptation théâtrale de Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes du défunt caricaturiste Charb, mort sous les balles des minables frères Kouachi. D’abord sidérés par cette décision, nous tenions à marquer notre opposition ferme à l’égard de notre Alma Mater.
Il y a un peu plus de 15 ans maintenant, nous contribuions à bâtir au sein de Lille 2 une organisation originale dans le panorama de l’enseignement supérieur. Ni tout à fait syndicat, ni simple association, mais certainement pas corporation, Droits pour tous avait cette vocation de fédérer la communauté universitaire autour des valeurs cardinales que sont l’indépendance, l’humanisme et la laïcité. L’indépendance, garante de l’esprit critique, de l’autonomie de l’individu. L’humanisme, ensuite, gage de fraternité et de respect de son prochain. La laïcité, finalement, outil inestimable face aux préjugés, protectrice de la discussion raisonnée face aux dogmes et aux certitudes et, enfin, forge de l’égalité des droits de tous les citoyens face à l’arbitraire. Dans ces belles années, l’association avait reçu plus de 40 % des voix chez les étudiants du pôle Droit-Gestion.
En 2017, donc, cette devise, ce triptyque revêt un sens nouveau. Et les tragiques événements que connaît la France depuis plusieurs années semblent corroborer la pertinence de ces valeurs. Or, nul ne peut se satisfaire de cela. D’un constat d’échec collectif, on ne peut que concéder avoir eu le tort de ne pas réussir à convaincre du bien-fondé de celles-ci suffisamment fort, suffisamment tôt.
Aussi, dans la situation qui nous occupe, on ne peut que déplorer l’aplaventrisme face aux menaces. Susciter l’effroi pour mieux cannibaliser les gestes des potentielles victimes : on sait pourtant le dessein des terroristes ! Pourquoi alors courber l’échine, se ranger aux exigences implicites de ces derniers ? Si des craintes peuvent être légitimes, elles ne sauraient justifier l’annulation d’une représentation. À cet effet, nous n’avons probablement pas à informer l’Université et ses représentants, parmi lesquels d’éminents juristes, du contenu de l’arrêt Benjamin qui balise très rigoureusement, depuis 1933, l’interdiction d’une manifestation pour prévenir d’éventuels troubles à l’ordre public…
Nous plaidons donc pour que les institutions d’enseignement supérieur restent des phares pour une pensée libre en nourrissant le débat. René Cassin, prix Nobel de la paix dont on s’enorgueillit du passage à Lille en tant que professeur de Droit, nous rappelle qu’il « n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés ». Face à la grande noirceur que nous promettent les obscurantismes, les universités doivent se poser en tant que garantes de la liberté de pensée et de la liberté d’expression et la seule crainte ne saurait justifier de les fouler.