L’austérité tue aussi la culture

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La culture n'est pas une marchandiseTandis que la Grèce est en pleine campagne référendaire sur le dernier projet de Mémorandum de l’Eurogroup, on revient sur les conséquences de l’austérité pour les politiques culturelles dans le cadre de la chronique « La culture n’est pas une marchandise » sur CIBL 101,5 Montréal.

La culture n’est pas une marchandise – L’austérité tue la culture (1er juillet 2015) by Florent Michelot on Mixcloud

Faut-il détruire le square Viger?

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La culture n'est pas une marchandiseDepuis plusieurs jours, c’est le square Viger, de Daudelin, qui est au cœur de la tempête. L’agora du square Viger sera démolie dans le cadre d’un projet de 30 millions afin de réaménager les abords du futur CHUM.
Faire société, ce n’est pas retapage et coup de com. Faire le beau, oui, encore faut-il qu’il fasse sens. Le square Viger, refait ou non, est aujourd’hui le symbole de la question itinérante. Ce n’est pas l’artiste qui en est à l’origine qui lui a accordé ce sens. Ce sont les interactions sociales. C’est la précarité qui a forcé une œuvre architecturale à recouvrir ce nouveau sens.

La culture n’est pas une marchandise – Le square Viger (18 juin 2015) par Florent Michelot sur Mixcloud

Que viennent faire les Beatles dans cette Histoire?

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Publié dans l’édition du 26 novembre 2012 du quotidien Le Devoir

Le musée Pointe-à-Callière annonçait ce lundi la préparation d’une exposition sur les Beatles. Au prétexte du 50e anniversaire de la venue du groupe originaire de Liverpool dans la Métropole, le musée d’archéologie et d’histoire de Montréal choisit de se prêter au jeu risqué du mercantilisme muséologique.

« Les Beatles à Montréal : un exposition [sic] incontournable à venir en 2013 »

Le phénomène n’est pas nouveau et on le retrouve d’ailleurs comme une constante dans l’histoire des musées, car ceux-ci ont toujours baigné dans une tension complexe entre l’objectif de faire preuve du plus haut niveau de rigueur scientifique et celui de la « démopédie », cette volonté, comme l’expliquait Proudhon, de transmettre la connaissance au plus grand nombre, sans distinction d’origine sociale ou culturelle. L’équilibre est toutefois d’autant plus difficile à assurer que le financement des institutions muséales devient une préoccupation majeure pour leurs gestionnaires d’aujourd’hui. Particulièrement soumis aux pressions que subissent les finances de l’État et des municipalités, les musées québécois doivent donc faire preuve d’ingéniosité pour assurer leur viabilité.

Pêle-mêle, c’est ainsi qu’en 2003 on a vu les personnages d’Uderzo et Goscinny servir de prétextes à la découverte de l’Empire romain, dans l’exposition Astérix et les Romains, et en 2007 ceux d’Hergé, dans l’exposition Au Pérou avec Tintin, au Musée de la civilisation de Québec. Repris d’expositions présentées au préalable au Rijskmuseum de Leyde et au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles, les alibis y étaient cependant justement et subtilement exploités pour faire découvrir l’époque gallo-romaine et les civilisations précolombiennes péruviennes. Plus récemment, en 2010, on avait pu voir ce même genre d’expositions itinérantes à grand budget avec l’arrivée de We want Miles au Musée des beaux-arts de Montréal, après qu’elle fut présentée une première fois à la Citée de la musique de Paris. Ici encore, on pouvait trouver une justification à la démarche par la place incontournable qu’occupe Montréal dans l’univers du Jazz.

Cependant, le Musée Pointe-à-Callière franchit une nouvelle étape dans une recherche de l’achalandage à tout crin. Rappelons d’abord que la mission de l’institution se décompose en trois points : d’abord, conserver et mettre en valeur le patrimoine archéologique et historique de Montréal; ensuite, faire connaître et aimer le Montréal d’hier et d’aujourd’hui; et enfin, tisser des liens avec les communautés locales, les réseaux régionaux, nationaux et internationaux préoccupés d’archéologie, d’histoire et d’urbanité. On peut donc largement douter qu’un projet d’exposition qui présenterait « le passage à Montréal [du] groupe mythique anglais qui a révolutionné la musique rock autour de la planète tout en ayant une profonde influence sur les courants musicaux qui ont germé ici même à Montréal et au Québec » réponde à ces principes. Nous assistons en fait à un dangereux glissement de « l’objet-prétexte », celui qui sert de véhicule au profit du discours, vers « l’objet-dérobade », qui permet plutôt de trouver une excuse quelconque avec le coeur même du musée (Montréal et son histoire) pour mieux se soustraire de ses obligations et ainsi augmenter l’affluence.

Cette situation ne pourra malheureusement qu’aller en s’amplifiant tant que la question de la pérennisation du financement des musées ne sera pas réglée. L’an dernier, la Société des directeurs des musées montréalais relevait que les subventions de fonctionnement n’avaient guère évolué depuis 1995. Bien sûr, des efforts importants ont été réalisés sur le plan des infrastructures, mais il reste que le quotidien de nos musées, à Montréal et ailleurs au Québec, demeure dans une précarité inquiétante et vicieuse puisqu’elle pousse à d’autant plus de surenchère commerciale.

Il est donc primordial que les décideurs publics se penchent sur la survie de nos musées en optant pour une vision intégrée de leur développement, sur les plans culturels et touristiques notamment. Sans en faire une condition sine qua non de leur existence, il faut reconnaître leur apport à l’économie générale et préserver leur vocation originelle. En bref, en tant que société, il convient que nous fassions un réel effort de sensibilisation sur les vertus exemplaires d’un réseau de musées dense sur l’ensemble du territoire québécois, pour notre développement économique, notre culture collective originale et la valorisation de nos territoires. Aussi, en faisant nôtre la réflexion de Pierre Bourdieu selon laquelle « il n’est pas de lutte à propos de l’art [et pourrions-nous dire de la culture dans son ensemble] qui n’ait aussi pour enjeu l’imposition d’un art de vivre », nous plaidons donc résolument pour une démarche culturelle à la fois affranchie des contraintes pécuniaires présupposées à courte vue et, par ailleurs, offensive sur la valorisation de notre richesse patrimoniale unique.

Vandalisme sur la Maison St-Dizier : un geste mû par une crasse ignorance de l’histoire

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Publié dans l’édition du 11 août 2011 du quotidien Le Devoir

La Maison Étienne-Nivard de Saint-Dizier

Passionné d’Histoire, et alors que je me réjouissais encore de la programmation du Mois de l’archéologie qui mettrait en valeur les récents travaux de restauration effectués à la Maison Étienne Nivard de St-Dizier de Verdun, quelle ne fut pas ma stupeur d’apprendre que ce même édifice venait de faire l’objet de vandalisme par quelques prétendus graffiteurs!

Car, entendons-nous bien, il ne s’agit pas là de graffiti. Depuis plusieurs années, je suis de ceux qui considèrent le graffiti comme une forme d’art à part entière, avec ses codes qui lui sont propres, son histoire et, évidemment, ses représentants, souvent talentueux. Certes, c’est un média qui ne jouit pas toujours d’une bonne réputation et est logiquement parfois incompris. Le sociologue Pierre Bourdieu expliquait ainsi que « toute une partie de l’art contemporain n’a pas d’autre objet que l’art lui-même ». Effectivement, c’est cela la richesse complexe du graffiti : l’art pour l’art, juste pour l’art, dans toute la puissance de sa liberté, s’affranchissant des règles et de la bien-pensance pour colorer la froideur de l’omniprésence du béton et, au final, nous permettre de redécouvrir certaines parties de la ville avec le regard d’un esthète.

Bien sûr, dans le graffiti, tout n’est pas de la même qualité et lorsque l’on parle de l’art « pour lui-même », cela devrait présupposer deux choses chez celui qui se veut artiste. La première est évidente, il ne s’agit pas de confondre l’art avec un pathétique besoin de reconnaissance personnelle. Un tel geste serait plutôt le fruit d’un novice, irrespectueux de l’œuvre de ses aînés, motivé par autre chose que la seule expression de sa créativité, un Toy, comme on dirait dans le milieu du graffiti.

Le deuxième aspect est plus subtil et découle en quelque sorte du premier : il s’agit de la capacité de tout un chacun de percevoir l’art et, plus généralement, la portée patrimoniale de ce qui nous entoure et donc nous précède. Cela s’applique évidemment aussi au support qui pourrait être retenu et implique donc un minimum d’humilité, ce que, de toute évidence, n’avaient pas la ou les personnes ici responsables.

J’ai en mémoire la destruction récente de « pièces » de graffiti datant de la fin des années 1980, certainement du fait de l’ignorance du propriétaire. À mon avis, ce fut là un geste extrêmement triste, mais comment en vouloir à ce dernier de ne pas avoir apprécié à sa juste valeur un art qui n’est que marginalement reconnu et souvent déprécié par des énergumènes du type de ceux à qui nous avons affaire ici?

Inversement, saccager un site historique, perçu comme tel par l’ensemble de la collectivité, relève d’une bêtise aussi grande qu’effrontée. En l’espèce, la notoriété publique de la Maison venant de sa propre valeur patrimoniale, le ou les auteurs ne peuvent donc pas se réfugier derrière l’ignorance pour justifier leur geste.
En bref, les exécutants de ces « peintures » n’ont aucune prétention à tirer de leur méfait et ne méritent pas de se réclamer d’un mouvement artistique qui a connu Jean-Michel Basquiat parmi ses précurseurs. Leur acte est confondant de stupidité et sa réparation impliquera certainement des travaux d’une lourdeur particulière en raison du caractère historique du site : croisons les doigts qu’ils n’en compromettent pas l’intégrité.

Dans ce Québec qui peut-être trop souvent oublie ironiquement sa devise, il serait juste de trouver un peu plus de fierté dans notre patrimoine. « Tout détruire, disait métaphoriquement Albert Camus, c’est se vouer à construire sans fondations; il faut ensuite tenir les murs debout, à bout de bras. » Et si, plutôt que de tenir inconfortablement, à bout de bras, les murs de ces lieux majestueux négligés ou abandonnés à travers le pays, en geste d’exemplarité, cela devait commencer par une plus grande considération de nos institutions publiques à l’égard de notre histoire, de sa promotion et de sa transmission?