Élection de Donald Trump : à quelque chose malheur est bon

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Logo de CIBLChronique hebdomadaire à La Matinale de CIBL 101,5 Montréal

Si à quelque chose malheur est bon, alors l’implacable montée des populismes de droite et l’élection de Donald J. Trump nous obligent à serrer les dents, à réfléchir, à ne rien faire d’autre que d’assumer les conséquences de nos propres turpitudes. Pour, finalement, plus tard relever la tête.

De quoi Syriza est-il le nom?

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Syriza, c’est plus que le nouveau nom de l’extrême gauche : les confusions de termes empêchent de voir les événements en Grèce comme ce qu’ils sont : le début de quelque chose

De la « Gauche radicale » à l’« extrême gauche », en passant par « l’ultragauche » ou « l’héritage communiste », tous les poncifs de la guerre froide ont été ressortis par les analystes pour commenter la nette victoire de Syriza aux élections grecques de dimanche. Dans cette confusion, certains ce sont démarqués en ayant même osé renvoyer dos-à-dos « les extrêmes », comme si le groupuscule néonazi de l’Aube dorée et ces succédanés de l’extrême droite européenne pouvaient être comparés à la coalition victorieuse de la gauche grecque et à ces partis frères qui, de tout le vieux continent, s’en réclament. Ces amalgames, aussi peu renseignés que boiteux, sont surtout dangereux, car ils perpétuent le triste sentiment d’intangible dans le politique.

Alors, plutôt que d’ânonner ces mêmes commentaires, revenons sur quelques les propositions de Syriza : passage du salaire minimum de 600 à 750 €, 13e mois de retraite pour les retraites inférieures à 700 €, protection des habitations principales des saisies, accès gratuit aux soins, lutte, contre la fraude fiscale et la contrebande, réaffectation des fonds européens, etc. Est-ce là le produit des réflexions d’un cryptostalinien échevelé? Bien sûr que non. D’ailleurs, l’esprit qui préside à ces ambitions était au coeur du programme de bien des sociodémocrates et sociolibéraux d’avant les années 80 et leur virage reagano-thatchérien. Au risque de l’anachronisme, le programme des libéraux de 1960, emmenés par Jean Lesage, relevait du même paradigme d’un interventionnisme pragmatique de l’État.

Certes, il reste le cas particulier de la dette grecque, qui, nous dit-on, serait le fruit d’une longue tradition de laxisme, un phénomène presque endogène, pour certains. On nous parle donc d’un pays noyé sous une dette abyssale qui paie les pots cassés de son laisser-aller. Il reste que si cette dette approche les 175 % du PIB, elle n’était que de 105 % au début de la crise de 2008, avant la litanie de mesures « austéritaires ». Pour l’anecdote, 105 % du PIB c’était d’ailleurs, à peu de chose près, le poids de la dette états-unienne fin 2014… Quoi qu’il en soit, l’histoire nous démontre qu’il est impossible de rembourser des dettes sur la base d’économies atones. C’est d’ailleurs ce que plaidait lundi matin le médiatique économiste Thomas Piketty à la radio française en rappelant que dans une telle situation, « il fau[drait] 50 ans, 60 ans pour rembourser 200 % du PIB. » À l’inverse, les pays qui ont connu de tels taux d’endettement (pensons à l’Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) ont pu compter sur des politiques de relance de l’activité et des restructurations de leurs dettes.

Alors s’il est certainement aisé de répéter le discours fataliste ambiant et de céder au déclinisme des sinistres augures, cela ne doit pas empêcher de regarder les choses objectivement et d’accompagner l’espoir avec bienveillance, car, aujourd’hui plus qu’hier, tout est à inventer. En constatant cet élan populaire qui a porté Syriza aux responsabilités et qui pousse les Espagnols de Podemos vers autant de succès, nous devons connaître le vieux monde pour mieux en abandonner ses mots et articuler demain. Il le faut aussi, peut-être, pour nous rappeler comme le Printemps érable n’a su être transfiguré au sein d’un système politique québécois corseté dans son expression. Il faut qu’avec cette formidable formule de García Márquez, prix Nobel de littérature décédé récemment, nous avancions confiant dans la voie de cette projection dépouillée du poids des erreurs du passé : « le monde était si récent que la plupart des objets n’avaient pas de nom et pour les désigner il fallait les montrer du doigt ».

Les Britanno-colombiens en goguette de l’Écosse

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Tandis que le peuple écossais est aujourd’hui appelé aux urnes pour déterminer, par voie de référendum, son avenir, il est regrettable que certains confondent la sympathie que l’on doit avoir pour un exercice démocratique avec un genre de projection morbide qui revient à vivre par procuration une démarche que l’on ne réussit pas à faire renaître au Québec. Cela est d’autant plus troublant pour ces pèlerins, acteurs politiques québécois de première ligne, eux-mêmes difficilement épargnables quant au doute qui nous habite. Bien sûr, il ne faut pas tout mélanger et apprécions à leur juste valeur ces initiatives individuelles épanouissantes que l’on découvre chaque jour dans les médias sociaux.

Que l’on salue le choix des Écossais de s’interroger collectivement sur leur avenir, en étudiant le phénomène scrupuleusement pour en tirer des enseignements, c’est méthodologiquement louable. Par contre, si l’on projette dans ce référendum nos propres névroses c’est, au mieux, simpliste, au pire, c’est de l’ingérence malsaine.

En plongeant dans la question nationale écossaise, souhaitons aux électeurs un choix transparent et volontaire, mais, de grâce, ne reproduisons pas ce que nous abhorrions hier : nous ne sommes pas plus légitimes à nous prononcer ici que ne l’étaient les Britanno-Colombiens lors du Love-in de 1995.

Zola mérite mieux

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Réplique à la lettre de Joël Lion, publiée le 8 août dans Le Devoir.

Monsieur le Consul,

Dans votre lettre en date du 8 août, vous revenez sur les tragiques événements qui opposent votre pays, Israël, « aux fanatiques islamistes » dites-vous en vous permettant, par un curieux sophisme, d’éluder la situation des populations civiles de votre réflexion. Surtout, vous vous permettez d’exploiter sans vergogne le souvenir du grand Zola en guise d’accroche, chose que l’on ne peut laisser dire sans dénoncer un sérieux détournement mémoriel.

Le J’accuse de l’auteur des Rougon-Macquart était un acte de résistance en soutien au capitaine Dreyfus, un geste courageux face à l’antisémitisme ordinaire d’alors, tandis que rares étaient ceux dans la société prêts à dénoncer cette infamie devant les virulences de la droite nationaliste et réactionnaire française.

Je dénonce donc, Monsieur, que vous osiez usurper l’Histoire pour dénigrer les insurgés contre les barbarie de la guerre. Voyez-vous, il y a dans l’opposition à cela une « pacifique révolte de l’esprit », pour reprendre les termes de Clémenceau, autre dreyfusard célèbre.

Le rejet de la militarisation des rapports entre Nations, de la colonisation, de la terreur, de l’extrémisme et des fondamentalismes religieux, ne fait pas vos prétendus « bien-pensants ». Ce rejet fait au contraire honneur à la rigueur morale de ces quelques intellectuels qui, hier, ont tracé la voie de la défense des sans-voix face aux mépris des forts et de leurs soudards, qu’ils s’appellent aujourd’hui Hamas ou Tsahal.

Il faut rendre l’Europe aux peuples!

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Texte publié dans le numéro de septembre 2009 de la revue L’Action nationale

Sans grande surprise, à peine plus de deux citoyens européens sur cinq se sont finalement rendus aux urnes en fin de semaine dernière pour désigner leurs députés au Parlement de Strasbourg. Cette élection, en plus d’avoir suscité l’indifférence générale, comme le présageait justement Serge Truffaut dans son éditorial du 19 mai, a par ailleurs permis de conforter la majorité européenne de droite. Cette poignée de résultats, somme toute assez peu reluisants pour les quelques partisans d’une Europe résolument tournée vers le progrès social, vient mettre un terme à un cycle d’occasions manquées de relance de l’U.E..

Alors que, depuis le dernier renouvellement de 2004, les événements s’étaient accélérés dans le processus de construction européenne, on a finalement assisté au freinage de l’intégration. Tout d’abord, le rejet du Traité constitutionnel européen (TCE) par les référendums français et néerlandais de 2005 a révélé une fracture qui continue de paraître systématiquement indépassable chez les électeurs. Pis, cet événement a fait voler en éclat les clivages traditionnels et il continue de paraître infranchissable au sein même des partis politiques. À ce titre, les piètres résultats du Parti socialiste français (seulement 16 % des votes) reflètent sans nul doute le peu de crédibilité que ce mouvement peut encore avoir sur le sujet, tant les rabibochages récents n’ont pu cacher les incohérences idéologiques issues des divisions passées.

Enfin, plus récemment, le refus du Traité de Lisbonne par les citoyens irlandais est venu sanctionner un texte dont la plus-value institutionnelle était toute relative par rapport au TCE qu’il était censé remplacer.
Bien sûr, on pourra dire que le référendum reste méthodologiquement imparfait, à commencer par le caractère binaire d’un choix qui traduit difficilement la complexité des opinions surtout quand elles s’expriment sur un texte aussi long qu’inaccessible. Il ne s’agissait pas ici de s’exprimer sur l’Europe, mais sur un texte complexe et à la valeur juridique et philosophique tout à fait inégale. Les camps du Oui et du Non ont été des agrégats protéiformes que l’on ne peut que difficilement décrypter tant les messages envoyés furent divergents voire mal éclairés : selon l’institut de sondage CSA, seuls 10 % des répondants français avaient effectivement lu l’intégralité du traité et 39 % n’en avaient lu que quelques extraits.

Si le choix de rapprocher la construction européenne des citoyens était on ne peut plus souhaitable, garder la tradition technocratique qui avait prédominé pendant des décennies vouait naturellement cette étape à l’échec.

En finir avec les erreurs du passé

Il est vrai que l’Europe s’est construite sur les cendres des ressentiments entre peuples et, sans quelques décideurs qui se sont permis d’aller au-delà de ce que souhaitaient les citoyens, elle ne serait certainement jamais née si rapidement.

Cependant, la méthode du multilatéralisme a montré ses limites : c’est par la juxtaposition de Traités et autres Accords, que l’Union européenne a grossi au point de devenir ce Léviathan que décrivait Hobbes. Certes, l’U.E. assure la quiétude à ses citoyens, car, effectivement, elle les a préservés de tout conflit armé interne depuis plus de 60 ans, mais peut-on encore se satisfaire de la confiscation progressive de la souveraineté populaire sous prétexte qu’elle est juridiquement valide et qu’elle permet de vivre sans guerres depuis plusieurs décennies ? En ce sens, les quelques pays qui ont osé soumettre ces textes à l’approbation populaire ont fait preuve de courage, quoi que le procédé impliquât de se confronter à des années de frustration démocratique.

Il existe au moins trois leçons à tirer des revers récents du processus d’intégration européenne. Tout d’abord, le constat d’échec patent des responsables politiques a évité que les enjeux nationaux ne débordent sur le débat communautaire. L’Europe s’est montrée incapable d’exister en tant que telle. Dans le brouillard du saupoudrage, les citoyens continueront de considérer l’État comme l’interlocuteur privilégié tant qu’il n’y aura pas eu de clarification des champs de compétence. De plus, bien contents d’avoir présenté l’Europe comme la cause de tous les maux, les politiques sont bien incapables aujourd’hui de montrer son intérêt. Ensuite, l’Europe ne fait plus rêver même là où elle a tant apporté (même la paix apparaît désormais comme une normalité). Enfin, le déficit démocratique de l’Union européenne est devenu tel que le rejet l’a emporté sur le simple cynisme de l’électeur. Incapable de corriger durablement cet écueil, le politique nourrit désormais le rejet par ses tentatives désespérées de corrections.

Sortir l’idée européenne de l’utopie pour se confronter au réel

Par ailleurs, le camp fédéraliste a cette triste certitude que l’objectif d’une fédération européenne sera nécessairement bon. Dire que l’on est fédéraliste est chose aisée, mais, expliquer qu’il s’agit là d’un choix raisonné et aux conséquences profitables est une autre paire de manche…

À quoi pourrait ressembler un État européen fédéral quand l’acception même de l’État et de ses missions est à géométrie variable ? De l’État libéral à la République solidariste, il existe un fossé d’autant plus fondamental que l’histoire européenne, malgré ces convergences, repose notamment sur la construction d’États-nations.

Aussi, croire en l’hypothèse des États-Unis d’Europe relève donc d’une pure vue de l’esprit, car les particularités politiques, sociales, économiques et culturelles ne sont pas aussi homogènes qu’aux États-Unis d’Amérique et l’exemple canadien, parfois présenté comme un modèle de fédéralisme en Europe, fait souvent fi de l’ardent débat national que l’on connaît.

Enfin, il n’est nul besoin de s’appesantir sur les turpitudes politiques actuelles de l’État belge pour étayer l’idée que le fédéralisme s’accommode difficilement des réalités nationales.

En tout état de cause de cause, il semble de plus en plus évident que la construction européenne se heurtera désormais à la souveraineté populaire. Sauf à voir la construction européenne reprise en main par les élites, il faudra donc désormais composer avec l’implacable reprise en main du débat par le peuple.

Rénover l’Europe pour inclure le citoyen dans sa construction

Même la fameuse superstructure « à l’européenne » que prétendait souhaiter Robert Bourassa n’est plus. Ainsi perdue entre l’intégration régionale et l’État continental, l’Europe n’a plus de logique et les électeurs qui pourraient être séduits par la poursuite du processus doivent prendre conscience que l’avancée politique est telle que 80 % de la législation française est d’origine européenne et que la codécision continue de s’étendre.

Qu’en sera-t-il des modèles sociaux, de la diplomatie ou des modèles scolaires s’il s’agissait d’aller plus avant dans l’intégration ? L’union sur le monétaire, n’implique pas l’accord sur l’économique et l’entente sur les droits de l’Homme n’emporte pas le consensus les droits sociaux. En bref, les atavismes nationaux sont les premiers freins (et les plus respectables) de la marche commune : il est donc grand temps de composer avec, plutôt que de tenter de les dépasser.

Pour cela, les dérives technocratiques doivent donc être conjurées par la mise en place d’un dispositif de décision permettant de surmonter les déficits démocratiques actuels en respectant scrupuleusement les expressions populaires et nationales. À ce sujet, on ne peut que déplorer l’utilisation souvent inappropriée du concept fédéral. D’autres systèmes qui ne sont pas moins nobles pour autant (à commencer par l’idée de confédération d’États) sont trop souvent mis de côté par méconnaissance profonde des implications juridiques qu’elles emportent.

En tout état de cause, l’Europe ne pourra pas continuer de s’occuper de tout sans être pleinement responsable de rien. Si tant est que l’Europe puisse continuer de se développer avec une si faible assise démocratique, il faudra que soient balisés de véritables champs de compétences, limitativement énumérés, mais clairs, pour répondre aux enjeux mondiaux du XXIe siècle. Dans le cas contraire, il restera impossible d’ouvrir une alternative véritable remettant en cause l’orientation néolibérale imposée par les instances européennes.

C’est pourquoi la tâche des progressistes n’est pas seulement de réhabiliter le concept de nation républicaine comme communauté de citoyens, mais d’en faire aussi le vecteur d’une autre idée de l’Europe. Car l’Europe de MM. Barroso et Solana est une Europe anémiée, invertébrée, réduite au dogme libéral qui l’empêche d’être un acteur de son destin.

À juste titre certainement, le cas européen a longtemps été brandi au Québec comme une inspiration pour le renouvellement des rapports entre les provinces et le Canada. Plus qu’une question de méthode, il s’agit pour nous d’avoir le courage de regarder crûment, mais sereinement un idéal passé devenu carcan.

La France doit rester garante du libre choix des québécois

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Texte publié dans l’édition du 23 octobre 2008 du quotidien Le Devoir et du 5 novembre 2008 du quotidien français L’Humanité

Dès le 4 avril dernier, le quotidien québécois Le Devoir annonçait la fin prochaine du « ni-ni » dans la diplomatie française à l’égard du fait québécois. Comme il fallait s’y attendre, la courte visite de Nicolas Sarkozy à la Province du Québec aura été un symbole fort de la redéfinition de la nouvelle donne diplomatique française.

Initiée par le ministre gaulliste Alain Peyrefitte en 1977, la politique étrangère française en matière de relations Québec-Canada était basée sur la formule de la « non-ingérence, non-indifférence ». Derrière cette formule, il était d’usage de voir la France consentir à ne pas s’immiscer dans le débat interne canado-québécois, tout en acceptant d’« accompagner » le Québec s’il choisissait l’indépendance dans une démarche démocratique.

Or, vendredi dernier, Nicolas Sarkozy est sorti du placard pour dévoiler ses véritables intentions sur la question québécoise. Par ses déclarations, le Président français a officiellement abandonné cette doctrine : de facto, il a renié le principe de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes en s’ingérant dans le débat sur l’avenir du Québec aux côtés des fédéralistes canadiens.

En présence du Premier ministre conservateur Stephen Harper, il s’est même permis cette sortie surprenante en conférence de presse : « J’ai toujours été un ami du Canada. Parce que le Canada a toujours été un allié de la France. Et franchement, s’il y a quelqu’un qui vient me dire que le monde a aujourd’hui besoin d’une division supplémentaire, c’est qu’on n’a pas la même lecture du monde ».

Parce que nul ne peut dicter la destinée d’un peuple

En 1967, le Président de Gaulle, de la mairie de Montréal, a lancé son célèbre « vive le Québec libre ». Libre de quoi, le Général ne l’a pas dit. Dans tous les cas, le gouvernement canadien de l’époque dénonça l’ingérence étrangère dans les affaires politiques internes du pays, et le Président quitta précipitamment le pays. D’autres, au contraire, y ont vu le salutaire appui à leur quête d’indépendance.

41 ans après, ces quatre mots pèsent toujours lourd dans le débat sur la souveraineté au Québec, et certains y voient justement la caution historique au changement de cap de Nicolas Sarkozy. S’il faut interpréter cette illustre affirmation comme une ingérente marque d’appui au mouvement souverainiste, rien n’interdirait, dès lors, l’actuel Président français de modifier sa vision de nos relations diplomatiques.

Plus justement, l’ancien Premier ministre québécois René Lévesque, dans ses mémoires, interprétait ce propos comme rien d’autre qu’une offre de service : « comme ses successeurs le firent par la suite, chacun dans son style, il ne s’engageait à nous accorder, le cas échéant, que l’appui que nous aurions nous-mêmes demandé. [Or,] rien ne me semblait moins indiqué que tel recours à la caution extérieure, si prestigieuse fût-elle ».

En clair, considérer les propos de Charles de Gaulle comme le pêché originel de la diplomatie franco-québécoise est une erreur fondamentale de jugement : ni lui ni les dirigeants souverainistes n’ont souhaité considérer la France comme un soutien à la cause indépendantiste.

Dans la même optique, contrairement à ce que rapportent nombre de médias, il est tout à fait injuste de voir de l’aigreur dans les propos de l’ex-Premier ministre Parizeau. Lui qui avait collaboré avec l’ancien Président français Valéry Giscard d’Estaing pour aider le Québec à proclamer son indépendance juridique en cas de victoire au référendum de1995, dénonce avec pertinence l’ingérence de Nicolas Sarkozy pour son « jugement très anti-souveraineté du Québec ». Plutôt que de reconnaître l’inaliénable droit des peuples à l’autodétermination, le Président français a préféré s’exprimer en sa défaveur. En ce sens, Nicolas Sarkozy s’est donc permis de préjuger d’une cause qu’il n’a pas à apprécier.

La doctrine qui se dégage de ses quelques jours au Québec, c’est celle des cosmopolites radicaux qui combine merveilleusement l’individualisme le plus absolu au supranationalisme. Il n’y a donc rien de surprenant de voir que Nicolas Sarkozy, déjà séduit par le multiculturalisme canadien, se retrouve dans l’idéal libéral de l’ancien Premier ministre Pierre-Eliott Trudeau. La liberté républicaine positive, celle qui repose sur le sentiment d’appartenance et la participation à une communauté libre et autonome, n’a pas les grâces du Président Sarkozy. Celui-ci préfère certainement s’en remettre à la liberté négative des libéraux individualistes : le premier droit du citoyen serait alors de limiter les possibles entraves de l’État et des autres individus, avant même de pouvoir se prononcer en tant que peuple sur son sort.

… il est nécessaire de préserver nos liens de confiance avec le Québec

Pour la cause indépendantiste, l’ami de Paul Desmarais est d’ores et déjà considéré pour ce qu’il est : un opposant.

Mme Royal, au cours de la dernière campagne Présidentielle, avait dignement déclaré que, « comme dans toute démocratie, le peuple qui vote est souverain et libre. Et donc les Québécois décideront librement de leur destin, le moment venu, s’ils en sont saisis ». Nous savons, par ailleurs, que cet avis est partagé par une large frange de la classe politique française. Aussi, ceux qui croient toujours en la doctrine diplomatique de l’accompagnement du Québec sur le chemin qu’il voudra bien choisir doivent désormais s’exprimer, à défaut de quoi ils cautionneront par leur silence la vision sarkozienne du Québec dans un Canada uni.

Cependant, la France ne doit pas oublier qu’un tel abandon pourrait être lourd de sens pour l’avenir des relations avec le Québec. Il va sans dire que le lien qui unit la France et la province québécoise a quelque chose de viscéral; mais, aussi naturel soit-il, il n’en est pas moins fragile. L’hypothèse d’un Québec indépendant n’est pas à exclure : n’oublions pas qu’en 1995, seulement 54 288 voix avaient séparé les tenants du Oui de ceux du Non. Aussi, dans ce contexte, le mouvement national québécois n’a donc plus nécessairement intérêt à privilégier ce rapport à la France. On pourrait alors envisager que des liens aussi forts, et peut-être encore plus symboliques, pourraient être noués avec d’autres démocraties européennes naissantes, au détriment de son allié historique.

Inconsciemment, le Président Sarkozy a fait la preuve qu’il était temps, pour le mouvement souverainiste québécois, d’engager des relations avec d’autres pays que la France. Quoi qu’il en soit, comme le souligne le Réseau de résistance du Québec, si l’indépendance du Québec doit se réaliser, elle se fera avec ou sans M. Sarkozy, et avec ou sans la France. Si le premier a clairement abandonné le Québec à son sort, il reste à espérer que la seconde ne le fera pas… À mettre toutes ses billes sur Paris, le Québec prend conscience du risque de perdre la mise.

Et puis, loin des réflexions binaires de Nicolas Sarkozy, il est faux de croire que le contentieux Canada-Québec oppose exclusivement fédéralistes et souverainistes. L’actuel Premier ministre libéral du Québec, Jean Charest, pourtant connu pour son fédéralisme, s’est suffisamment répandu en critiques à l’égard de l’asymétrie de certaines relations fédération province, pendant la récente campagne électorale fédérale, pour s’en rendre compte. Le contentieux en question opposerait donc invariablement l’État du Canada à la Province du Québec, que ses représentants soient autonomistes, souverainistes, voire fédéralistes.

Depuis le traité de Paris de 1763 cédant (entre autres) le Canada à la Grande-Bretagne, le Québec a préservé son identité envers et contre tout et surtout sans l’aide de la France. Il serait donc présomptueux de croire que la relation France-Québec puisse supporter toutes les atteintes. Pour ne pas hypothéquer un avenir que tout le monde souhaite commun, et, quel que soit l’avenir du Québec, la France devra respecter scrupuleusement le choix des Québécois dans la conduite de leur destin.

* Édition de l’article le 23 oct. 2008 : Par notre faute, la reproduction de cette analyse dans le quotidien Le Devoir ne mentionne pas l’article du RRQ utilisé comme source dans l’élaboration de ce billet. Aussi, nous tenons à témoigner de notre bonne foi et nous présentons toutes nos excuses à ses auteurs.

La semaine (politique) sainte

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Dans le présent message, nous allons revenir sur ce qui a déjà été partiellement abordé dans le dernier billet de ce « journal de campagne »…

Mme Palin, ou l’histoire du sermonneur sermonné

Il y a environ 2 semaines maintenant, l’annonce de la candidature de Mme Palin à la Vice-présidence des États-unis d’Amérique aux côtés de John McCain a été l’objet d’une rare frénésie médiatique. Pensez-vous!, une quasi-inconnue propulsée sur le devant des podiums politiques et potentielle 2de du plus puissant État de la planète, voilà qui devrait a priori réjouir ceux qui ne croyaient plus en la démocratie. Détrompez-vous, cette inconnue n’est en fait « que » la gouverneure d’Alaska, « hockey-mum » et ancienne Vice-miss Alaska (ça fait au moins une expérience à titre de second…) à ces heures perdues : en bref, une politique pur jus. Et puis, il y eut ces révélations sur la grossesse de sa famille et, bientôt, les censeurs dénonçant l’intolérance de ceux qui osaient fouiner dans la vie privée de Mme Palin…

À ceux qui trouveraient que cet étalage de la vie privée sur la place publique relève du plus mauvais goût et de la politique la plus vile, j’aurai tendance à les inviter à se concentrer sur les intentions interventionnistes de la dame Palin en question. N’oublions pas que nous avons en face de nous ce genre de personnes qui, en plus de prôner l’enseignement du créationnisme, s’oppose à la contraception et à l’avortement, prône l’abstinence et autres foutaises réactionnaires bien-senties… En bref, la politique de Mme Palin, c’est la politique du gendarme des alcôves.

Raymond Gravel, député de Repentigny, est un prêtre haut en couleur qui n’a pas eu peur de défendre les mariages gais malgré les sermons surannés du Vatican. En juin 2005, lors d’une entrevue accordée au magazine Fugues, il avait raconté son passage difficile dans l’univers de la prostitution homosexuelle.

« Mes prises de position sur l’avortement et sur le mariage gai n’ont pas bien été reçues au Vatican. Mon évêque [Mgr Gilles Lussier] a même reçu une lettre du Saint-Siège disant que si je persistais à ne pas être conforme à la doctrine de l’Église catholique, je devrais en subir les conséquences », avait-il aussi ajouté. Son aventure en tant que député n’aura donc pas duré très longtemps… 2 ans après son élection, il a été sommé de choisir entre son mandat de député et son statut de prêtre. Raymond Gravel a décidé de revenir à ses fonctions sacerdotales. Il ne sera donc pas candidat du Bloc québécois aux élections fédérales. L’abbé Gravel a déclaré à La Presse et au Globe and Mail avoir reçu du Vatican une lettre lui ordonnant de trancher sous peine d’être « laïcisé ».

Les laïques que nous sommes pourrions nous réjouir de ce choix contraint et comme le disait récemment Richard Martineau dans l’une des ses chroniques du Journal de Montréal :

« Je n’ai rien contre monsieur Gravel, qui s’est acquitté de sa tâche avec intelligence, mais la séparation de l’Église et de l’État est l’une des valeurs fondamentales de notre société.
Aimeriez-vous voir un pasteur, un imam ou un rabbin entrer au Parlement ou à la Chambre des communes?
La religion est une chose. La politique en est une autre. Dans notre société, la loi des hommes prévaut sur la loi de Dieu.
Comme a dit Jésus : “Remettons à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu…” »

Mais les choses n’étant pas si simples, elles prennent un sens nouveau à la lumière des dernières déclarations de Mgr Turcotte. En pleine campagne électorale, ce dernier se permet donc de passer outre une quelconque séparation des Églises et de l’État appelant ses ouailles au vote conservateur, comme à la belle époque de la grande noirceur. Même faute, même punition, n’est-ce pas? Le Vatican demandera-t-il selon vous aux évêques de se retirer de la campagne électorale ou de démissionner, comme il l’a fait peu de temps auparavant avec l’abbé Gravel? Je ne parierai pas une cenne là-dessus. M. Gravel fut un très bon député, peu importe qu’il ait été prêtre, boucher, avocat ou médecin…

La prise de position des évêques est malheureusement en droite ligne avec l’idéologie la plus réactionnaire et conservatrice qui soit. L’abbé Gravel dérangeait certainement parce qu’il était un humaniste évoluant dans un parti résolument progressiste; mais, apparemment, les évêques préfèrent s’attaquer aux droits des femmes acquis de longues luttes.

La droite religieuse et conservatrice… égale à elle-même

Déjà, nous apprenions cette semaine que Mme Nicole Charbonneau Barron, candidate conservatrice dans Saint-Bruno, avait été la porte-parole de l’Opus Dei au Québec. Cette espèce de société secrète sectaire, passéiste, aux antipodes de l’universalisme a donc réussi à placer l’un de ses éminents représentants au sein des troupes de candidats conservateurs…

Et bien, figurez-vous que ce n’est pas tout! Le candidat de Stephen Harper dans Honoré-Mercier, Rodrigo Alfaro, est un membre en vue de la Mission charismatique internationale du Canada, l’église du mouvement pentecôtiste. Ce groupe prêche, pêle-mêle, l’abstinence sexuelle hors du mariage et considère l’homosexualité comme « guérissable » : tout un programme…

… Et Sarko dans tout ça?

Ce vendredi, à l’Élysée, devant Benoît XVI, Sarkozy n’a plus opposé l’« instituteur » au « curé ». C’est déjà ça… Il s’est contenté d’énoncer ce qui, pour lui, relève du bon sens : ce serait une « folie », une « faute contre la culture et la pensée » de se priver du « patrimoine vivant » des religions. Et la boucle est bouclée?

Démêlons le vrai du faux et laissons parler le « chef »

Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, en visite cette fin de semaine à Lourdes, le temple des marchands du temple, a défendu qu’une « saine collaboration » devait se réaliser dans « la conscience et le respect de l’indépendance et de l’autonomie de chacun dans son propre domaine », devant 170 évêques et cardinaux.

Et d’ajouter que « L’Église ne revendique pas la place de l’État », qu’« elle ne veut pas se substituer à lui ». L’Église est, selon Benoît XVI, « une société basée sur des convictions, qui se sait responsable de tout et ne peut se limiter à elle-même ».

Alors qu’attend le Saint-Siège pour ramener au troupeau ses brebis égarées?