Aux pédagogues ingénieux et utiles en temps de crise

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Lettre publiée dans L’aut’ journal.

L'aut'journal - La FIQ à Legault : cessez les arrêtés et... | Facebook
Publié le 25 mai 2020

Dans une lettre en date du 20 mai dernier, M. Réjean Bergeron alertait les enseignantes et enseignants du risque d’être les « idiots utiles ». La posture de l’auteur, qui ne se limite pas à ce texte, est constante : le numérique en éducation est un danger. Si le numérique n’est pas, en soi, la solution éducative miracle, il n’est pas, par nature, le grand péril. Cette absence de nuance, qui confine au faux dilemme, mérite d’être déconstruite.

L’auteur du texte, qui débute en abordant le rôle des institutions d’enseignement, déporte adroitement son regard sur les conseillères et conseillers pédagogiques des établissements. Plutôt que d’évoquer la question de façon systémique, un ton subtilement accusateur est adopté pour dénigrer le travail de ses employés qualifiés moqueusement de « “penseurs” » (l’auteur utilise volontairement le terme entre guillemets) « à la solde » des institutions, des seigneurs du numérique, des GAFAM, alouette.

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Pour que le numérique ne soit pas qu’un divertissement

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Cette lettre a été publiée dans la section Opinion de l’édition du 17 juin 2019 du quotidien Le Devoir.

Les auteurs commentent Le Devoir de philo publié le 8 juin dernier, « L’école à l’heure du divertissement numérique ».

Penser le monde contemporain en s’inspirant d’un auteur est un exercice audacieux. Il peut être riche, s’il s’inscrit dans un dialogue intellectuel entre les faits, d’une part, et les sources textuelles et leurs exégèses, d’autre part. Il peut être risqué si l’on cherche à plaquer ses propres conceptions en ne mobilisant que ce qui arrange chez un auteur. L’oeuvre de Pascal ne se réduit pas aux Pensées et il convient d’aborder d’autres pans de ses travaux. Il fut aussi pédagogue et De l’esprit géométrique et de l’art de persuader en est le reflet. Dans cet opuscule, il rappelle que l’art de persuader implique de n’utiliser pour axiome que des évidences, de prouver les propositions et de refuser de tromper par des termes équivoques. Or, les contradictions à ces préceptes pascaliens sont nombreuses dans le texte de Réjean Bergeron.

Par exemple, on qualifie sentencieusement de détestable le mot « apprenant », sans autre forme de procès, mais comment le remplacer ? La compétence numérique s’adressant à tous les individus sur un banc de classe, de la maternelle à l’université, on ne saurait réduire ces derniers au seul qualificatif d’élève ou d’étudiant.

Surtout, prétendre que la compétence numérique répond à un objectif de ludifier est un contre-exemple idéal à l’art de convaincre. Sur quelle base objective affirme-t-on cela ? Sur quelle base prétend-on qu’il ne serait qu’une réponse à la recherche du divertissement à tout crin ? Cette affirmation, démontrant une compréhension limitée du cadre de référence, déforme la réalité et promeut une conception de l’éducation ne tenant pas compte des défis contemporains et de la conjoncture technologique mondiale soulignés par une multitude de travaux.

L’approche par compétence a ses détracteurs et la critique est tout à fait justifiée, car elle n’est pas la panacée. Cela étant, prétendre que la compétence nie l’idée de connaissance est un non-sens. Fondamentalement, l’un des postulats de la notion de compétence est la gradation des objectifs cognitifs par Bloom. Or, ces objectifs reposent sur le socle de la Connaissance et de l’action de se souvenir. D’ailleurs, le glossaire de la décriée compétence numérique évoque explicitement cela dans la définition de la littératie numérique présentée comme les « connaissances et compétences permettant à une personne [de s’engager] dans un contexte numérique ».

Propos exagéré

Le propos devient exagéré quand il est prétendu que la compétence numérique servira de ferment aux infox (les fake news) et ouvrira la porte à l’avidité des « GAFAM », les Google, Facebook, Amazon et autres Microsoft. C’est le contraire qui est souhaité quand on évoque « une attitude réflexive sur l’information et ses usages en étant conscient des contextes dans lesquels elle a été produite et reçue ainsi que des raisons pour lesquelles elle est utilisée », « un jugement réflexif sur son utilisation du numérique » ou encore la prise de « conscience des enjeux liés aux médias, aux avancées scientifiques, à l’évolution de la technologie et à l’usage que l’on en fait ». Le cadre de référence, c’est apprendre à un élève du primaire que l’information trouvée sur Internet n’est pas toujours véridique et qu’il doit la contre-vérifier. C’est aussi sensibiliser les personnes aux risques physiques ou psychologiques liés à une utilisation excessive ou inadéquate de la technologie. C’est aussi apprendre à un étudiant universitaire qu’il existe plusieurs types d’applications ou de logiciels facilitant le travail collaboratif à distance.

En revanche, réduire le cadre de référence à une commande politique dépourvue de sens dans un exercice bancal de rapprochement avec Pascal, voilà un procédé fâcheux. Le cadre de référence n’est que ce qu’il prétend être : un cadre de référence. Il ne s’agit pas d’un document détaillé dans lequel sont explicités les savoirs et les connaissances reliés au numérique et organisés en 12 dimensions. Le cadre n’est ni un outil de promotion des outils technologiques, ni un manuel IKEA qui se contenterait de bêtement ludifier les apprentissages avec le numérique.

Au-delà de l’oeuvre philosophique, rappelons que Pascal fut en outre un remarquable mathématicien (Chateaubriand décrivait Pascal comme un effrayant génie !) à l’origine de la pascaline. Cette machine arithmétique est présentée aujourd’hui comme la première machine à calculer et la compagnie d’informatique IBM s’en inspirera même pour produire quelques dizaines de machines dans les années 1960. Pascal, donc, mais aussi Bacon, Condorcet, etc. : nous nous émerveillons de ces penseurs qui travaillaient aux choses de l’Esprit et de la Nature.

Ainsi, sur l’enjeu de rapprocher Humanités et Sciences que rappelait Normand Baillargeon dans sa chronique en hommage à Michel Serres, nous croyons utile de sensibiliser les apprenants, élèves ou étudiants, aux choses de l’informatique : la familiarisation aux notions d’algorithmes, de logique ou de codes impose un dépassement intellectuel multidisciplinaire. Considérant le rôle du numérique dans les défis éthiques, démocratiques, socioéconomiques et environnementaux contemporains, le choix de développer une compétence numérique n’est pas céder à la quête du divertissement. C’est un préalable indispensable à un dessein individuel et collectif plus grand.

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Uber ou l’encéphalogramme législatif plat

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Texte publié dans l’édition du 17 mai 2016 du quotidien Le Devoir

Trois jours après le dépôt du projet de Loi 100 par le ministre des Transports Jacques Daoust qui, en pratique, revient à interdire Uber, les militants du PLQ ont forcé le premier ministre et son gouvernement à un curieux rétropédalage. En clôture du Conseil général du parti qui se tenait ce dimanche à Drummondville, Philippe Couillard a annoncé un « chantier sur l’économie du partage ».

Uber et tant d’autres compagnies qui ont émergé ces dernières années autour du web participatif ont contribué à structurer une économie souterraine qui, jusque là, était par définition dissimulée. Ainsi, le phénomène a permis à ce que des entreprises s’engouffrent, au nez et à la barbe de la puissance publique, dans des champs d’activités souvent hyperréglementés.

Quand réglementation et malthusianisme ne font plus qu’un

À juste titre, la réglementation dans le milieu de l’hôtellerie et du transport a répondu à la nécessité de sécurité des usagers. Avec succès, la puissance publique a joué son rôle en agissant de la sorte.

Cependant, l’industrie du taxi est symptomatique de ce que la réglementation a pu avoir de pervers sur la qualité générale du service. Le caractère limité des licences a conduit au malthusianisme économique, c’est-à-dire à la restriction volontaire de la production, en ce qu’elle a de délétère notamment en ce qui concerne le nivellement du service. Or, en offrant des prestations aussi basiques aujourd’hui que la géolocalisation des véhicules et le paiement par carte de crédit, Uber a mis un coup de pied salutaire dans la fourmilière. Pourtant, la logique malthusienne sous-jacente à la limitation de l’offre de transport collectif défie tout bon sens économique, social et environnemental en milieu urbain.

Les effets délétères d’Uber

Cela étant, les plateformes de type Uber (et elles sont nombreuses, Uber n’est que la partie émergée) ne sont pas la panacée. Le travail dissimulé que cela génère est réel et désastreux à plusieurs titres. On le sait, il constitue une concurrence déloyale entre des entreprises qui, d’une part, appliquent les règles du jeu et celles, d’autres part, qui s’en moquent. Ensuite, il contribue au déficit de financement de la protection sociale et de l’effort collectif que nous devons à la société. Finalement, le travail dissimulé confine à une abjecte exploitation des travailleurs en portant atteinte à leurs droits droits essentiels quant aux conditions de rémunération et de travail.

Sauf que l’évitement fiscal et le travail au noir n’ont rien de nouveau et les États modernes ont su aménager des solutions plus ou moins performantes pour endiguer une réalité aussi ancienne qu’inévitable.

L’inintelligence législative

Sans la moindre sympathie particulière pour cette compagnie, Uber a pâti de ce statut de chef de file de l’économie dite « collaborative ». Il n’est toutefois rien d’autre que l’arbre qui cache la forêt d’un écosystème entrepreneurial déjà étendu et dont les États méconnaissent l’existence. Punir une société qui s’est moquée effrontément des gouvernements, cela est parfaitement justifié, mais, dans le meilleur des cas, c’est reculer pour mieux sauter.

En ouvrant ce fameux « chantier sur l’économie du partage », le gouvernement doit maintenant faire la preuve de sa capacité à encadrer une économie virtuelle sans en décapiter des pans pour se donner bonne conscience. Dans l’intérêt de la protection des travailleurs et de la pérennisation de notre modèle social, le gouvernement a le devoir de ne pas se contenter de gesticulations. Pourtant, comme le qualifie le Conseiller municipal Guillaume Lavoie, avec le covoiturage urbain et, plus généralement, le partage par l’entremise des technologies, nous avons affaire à un « phénomène irréversible ».

Dans ce cas-ci, à la différence d’autres juridictions dans le monde, Montréal et Québec sont passés à côté de l’essentiel et, pour répondre aux défis du XXIe siècle, notre société ne pourra se contenter de si peu d’imagination dans son rapport au système productif. Cependant, les choses avancent, petit à petit. Dès le mois de juin, les résidants de l’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie pourront louer « leur stationnement, un bout de terrain, un coin de garage ou de sous-sol ». C’est bien peu de choses, certes, mais c’est déjà beaucoup plus innovant que ce que le gouvernement propose à ce jour.