Réformes démocratiques – Des tentatives étouffées par le cadre canadien

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Texte publié dans l’édition du 30 décembre 2011 du quotidien Le Devoir

Plusieurs projets de réforme des institutions politiques québécoises ont été mis de l’avant au cours des dernières années. Ces projets sont l’œuvre de membres de certaines formations politiques ou de groupes de citoyens qui militent au nom de leurs idéaux démocratiques et qui désirent contribuer à une revitalisation de notre démocratie. Ces initiatives, qui sont fort louables, vont d’une réforme du mode de scrutin à des élections à date fixe, en passant par l’élection du premier ministre au suffrage universel, les référendums sur initiative populaire, la possibilité de destituer les députés au cours de leur mandat ou la convocation d’une assemblée constituante.

Ces propositions procèdent souvent d’une méconnaissance des limites du cadre constitutionnel canadien qui a été imposé au Québec et dans lequel il est enserré. Nous partageons en effet avec les dictatures et les colonies la pire des atteintes à la démocratie, celle de pas avoir conçu ni approuvé la constitution qui nous régit. Or, il se trouve que certains projets de réforme s’inscrivent dans ce cadre constitutionnel tandis que d’autres sont incompatibles avec lui.

Dans tous les cas, on semble réfléchir comme si ces limites n’existaient pas ou comme si elles étaient plus souples qu’elles ne le sont en réalité. Ignorer ces limites, c’est courir le risque de s’épuiser pendant des années à tenter de réaliser des projets qui ne peuvent pas aboutir sans passer à la souveraineté ou, s’ils aboutissent dans le cadre actuel, de s’exposer à ce qu’ils soient contrecarrés par les tribunaux canadiens.

Compétence limitée

Ainsi, on peut affirmer que si une constitution interne formelle de la province de Québec n’a pas encore été adoptée malgré le fait qu’elle a été proposée sérieusement à de nombreuses reprises, c’est que la nécessité de la subordonner à la Constitution canadienne obligerait à reconnaître celle-ci, renforcerait le statu quo et priverait ce projet qui se veut mobilisateur d’une grande partie de son intérêt. La compétence accordée à une province par la Constitution du Canada de modifier sa propre constitution est très limitée; elle est beaucoup moins étendue que d’aucuns semblent le croire ou l’espérer.

Plusieurs projets de réforme gagneraient en crédibilité ou en pertinence si l’on gardait à l’esprit les limites constitutionnelles actuelles. D’autre part, la prise de conscience de ces limites est un argument fort en faveur de l’indépendance du Québec. Il paraît utile de mieux situer ce débat en rappelant certaines données fondamentales du droit constitutionnel canadien.

La démocratie directe n’existe pas en droit canadien

Au début du XXe siècle, l’Assemblée législative du Manitoba avait adopté une loi par laquelle elle avait renoncé à sa compétence législative en faveur d’une démocratie directe exercée par les citoyens dans des référendums d’initiative populaire. Cette loi fut déclarée inconstitutionnelle parce qu’un parlement dans un régime politique de type britannique ne peut abdiquer sa fonction législative ni la transférer à une autre assemblée. C’est pour cette raison que les référendums ne peuvent pas être décisionnels en droit canadien et que les législateurs et les tribunaux sont libres d’en interpréter la portée.

Assemblée constituante québécoise

Une assemblée constituante québécoise serait par définition inconstitutionnelle si elle prétendait être décisionnelle, passer outre à l’Assemblée nationale et ignorer le cadre constitutionnel canadien. Ses décisions ne pourraient être effectives que si la souveraineté était réalisée. Elle pourrait siéger, délibérer et adopter des textes avant le passage à la souveraineté, mais ceux-ci n’auraient aucune valeur juridique dans le cadre de la Constitution canadienne.

Impossible d’abolir la monarchie constitutionnelle

On sait que pour abolir la monarchie, il faut l’unanimité des dix provinces et du Parlement fédéral selon la Loi constitutionnelle de 1982. Les fonctions de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Québec ne peuvent donc être abolies avant l’accession du Québec à la souveraineté. Quelle que soit son ampleur, aucune réforme de nos institutions politiques dans le cadre canadien ne permettrait de remplacer le lieutenant-gouverneur, qui est nommé par le gouvernement fédéral et dont la signature est une condition incontournable de la validité de toutes les lois du Québec en droit canadien.

Impossible d’abolir le régime parlementaire de type britannique

La monarchie canadienne n’est pas qu’un symbole vain et coûteux. Juridiquement, elle sert de fondement au principe du gouvernement responsable qui est au coeur de notre régime parlementaire. C’est ce qui se dégage clairement d’un jugement de la Cour suprême rendu en 1987 dans l’affaire SEFPO c. Ontario.

Des conséquences

Il découle plusieurs conséquences importantes de ces limites constitutionnelles à la réforme des institutions démocratiques au Québec:

Les élections à date fixe sont légales, mais un parlement doit exceptionnellement pouvoir à tout moment renverser un gouvernement et provoquer des élections prématurées, car le principe du gouvernement responsable est de nature constitutionnelle.

L’élection d’un premier ministre au suffrage universel, qui serait en réalité un premier pas vers un régime présidentiel, serait juridiquement impossible dans le cadre canadien, car ce régime est incompatible avec le principe du gouvernement responsable devant le parlement. Dans un régime présidentiel, le gouvernement doit directement répondre de ses actes devant le peuple, et non devant l’Assemblée nationale. Par ailleurs, «ce président» ne pourrait remplacer le lieutenant-gouverneur dans la nomination des ministres ou la signature des lois.

La «ligne de parti» si souvent dénoncée par des parlementaires de tous les partis et par de nombreux citoyens est elle-même issue du principe du gouvernement responsable, car celui-ci implique que l’existence du gouvernement repose sur la confiance du parlement, confiance qui est «fabriquée» par la discipline partisane. Cette ligne de parti, qui pourrait être assouplie considérablement dans un régime présidentiel, est dans les faits imposée par le cadre constitutionnel canadien et est inhérente au parlementarisme de type britannique protégé par la Loi constitutionnelle de 1982; elle ne peut donc être assouplie qu’à la marge.

Le principe général établi par la Cour suprême en 1987 selon lequel elle verrait d’un mauvais oeil toute création d’institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système canadien l’amènerait probablement à condamner une réforme du mode de scrutin qui adopterait une proportionnelle intégrale, par opposition à une réforme mitigée qui ne corrigerait que les distorsions les plus criantes de la volonté populaire engendrées par le mode de scrutin actuel.

Ces limites au pouvoir constituant québécois fixées par la Cour suprême du Canada sont peu connues et ne font que rarement partie de la réflexion politique actuelle. Il faut les avoir à l’esprit avant de proposer de bonne foi des réformes qui, comme de très nombreuses autres, risquent d’aboutir dans le cimetière bien rempli des idées politiques. Seule la souveraineté du Québec donnera au peuple québécois la pleine capacité d’innover, d’approfondir sa démocratie et de se donner des institutions qui seront entièrement légitimes à ses yeux.

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Ce texte à l’initiative d’André Binette ,Avocat et appuyé par le conseil d’administration des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO): Jocelyne Couture, Micheline Labelle, Andrée Lajoie, Siegfried Mathelet, Gérald McNichols-Tétreault, Ercilia Palacio-Quintin, Gilbert Paquette, Vladimir De Thézier, Jean-François Payette, Alexandre Warnet.

Les bœufs sont lents mais la terre est patiente

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Il y a quelque chose d’original d’avoir l’ambition de redonner la vie à ce blogue quand il s’agit de livrer une analyse sur le sort réservé au Bloc québécois aux élections du 2 mai dernier. Cet exercice est personnel et je n’ai pas l’ambition de prétendre savoir lire dans le marc de café ou dans le foie des volailles…

Rendons à César ce qui appartient… à Harper

N’en doutons pas, le grand succès du premier ministre Harper ne réside pas que dans l’obtention d’une Chambre des communes majoritaire. C’est une fin qui n’aurait pu être espérée sans un travail de longue haleine de l’équipe conservatrice : en poussant la polarisation des débats à leur maximum, Stephen Harper vient de mettre un point d’arrêt à cette idée selon laquelle le Canada se gouverne au centre, dans le plus grand consensualisme. Les exemples sont nombreux et il est inutile de revenir sur les cas où le Gouvernement Harper a joué d’un certain esprit de provocation pour cristalliser le débat autour de lignes idéologiques claires.

Victime collatérale logique, le « parti de gouvernement naturel du Canada » qu’était le Parti libéral du Canada n’est plus que l’ombre de lui-même. Le remplacement de Stéphane Dion par Michael Ignatieff n’aura donc rien changé au lent déclin au parti de Wilfrid Laurier : qu’il s’agisse de fidélité électorale de certaines communautés, du bastion torontois ou de la forteresse des provinces de l’Atlantique, les libéraux n’ont pu contenir la marée bleue inexorablement montante depuis 2006. Parmi les signes avant-coureurs de ce phénomène, le journaliste Martin Croteau décrivait, peu de jours avant le vote, comment l’électorat juif torontois se distançait peu à peu de ses vieilles habitudes en appuyant de plus en plus massivement les conservateurs.

Les deux mandats minoritaires de Stephen Harper ont démontré que le Canada pouvait se gouverner à droite. Et pour s’opposer à une vraie droite, rien ne vaut une bonne gauche, plutôt qu’un centre prêt à tendre l’autre joue.

La liquidation de la question nationale?

Le Bloc se retrouve donc avec quatre députés à la Chambre. Le résultat a été sévère et souvent injuste pour ceux qui ont perdu : pensons à la qualité du travail réalisé par des députés comme Pierre Paquette, Bernard Bigras ou le prometteur Thierry Saint-Cyr. Surtout, ayons une pensée pour Gilles Duceppe dont le score est une véritable insulte pour le travail accompli ces 20 dernières années. Cette éviction ne fait pas honneur à la carrière de ce grand politicien. Dans une situation plus flatteuse qu’un René Lévesque autrement plus détesté par ses concitoyens à la fin de son second mandat de premier ministre, l’Histoire saura rapidement retenir son nom aux côtés d’autres grands défenseurs de la Nation québécoise.

Malgré cette lourde défaite, je crois qu’il serait faux de croire en la fin de l’option souverainiste. On ne peut tirer un trait sur plus de 50 ans de militantisme au prétexte d’une désastreuse journée qui marque plutôt l’avènement incontestable de l’électeur consommateur.

Sauf que… dans ce contexte de « binarisation », des positions, de choc des idéologies, qu’elle pouvait être la place du Bloc québécois? Pourquoi envoyer un parti souverainiste à Ottawa quand l’idée est portée difficilement au Québec? Le Bloc québécois est un parti dont le cœur bat à gauche, modérément certes, mais à la pensée sociale-démocrate bien équilibrée en vue de répondre à la difficile exigence de représenter la Nation québécoise dans toute sa diversité. Mathieu Bock-Côté, dont j’avoue partager parfois les diagnostics, mais guère les réponses, prétendait même que le bloc « a instrumentalisé le nationalisme québécois pour le mettre au service des valeurs progressistes renommées “valeurs québécoises” bien difficiles à distinguer des valeurs de la gauche canadienne »… Je juge cette affirmation bien excessive quand on sait les convictions du monsieur, mais elle a le mérite de poser la question simplement : face au risque que représente une droite morale néoconservatrice et néolibérale, les citoyens québécois ont préféré s’en remettre à un parti ouvertement à gauche. Dans le doute, on préférera toujours choisir l’originale à la copie.

Pour autant, cet échec patent du Bloc doit-il être compris comme une mise au rencart de la souveraineté? Évidemment, non. Pourquoi? D’une part, parce qu’en dépit de la modeste représentation dont il disposera à Ottawa, le Bloc a tout de même réuni près du quart des voix des électeurs québécois. La grande volatilité de l’électorat dans les deux dernières semaines précédant l’élection a mis à plat ventre le parti souverainiste à qui l’on accordait encore une éclatante victoire peu de temps avant. Souvenons-nous que même Québec pouvait être regagné par le Bloc à l’occasion de cette élection. D’autre part, le sondage Léger Marketing/Le Devoir du 16 avril dernier, donc deux semaines avant le scrutin du 2 mai, indique un niveau d’appui de 43 % à la souveraineté si un référendum « avait lieu aujourd’hui » (page 11). Il faut donc en déduire que le changement de stratégie du Bloc québécois dans la dernière étape, en orientant son discours vers le cœur de l’électorat souverainiste (notamment avec l’entrée en scène de M. Jacques Parizeau), n’a pas réussi. C’est donc une évidence que de dire que le Nouveau parti démocratique a su capter une très large frange du vote indépendantiste.

Enfin, et ce n’est pas le moindre, la batterie de sondage réalisée conjointement par le Bloc et les Intellectuels pour la souveraineté il y a presque 1 an, à l’occasion des 20 ans de l’existence du parti, démontrait très clairement que les Québécois croyaient en leur capacité de faire de notre Province un Pays et en la viabilité de celui-ci, mais seuls 45 % d’entre eux affirmaient que la souveraineté est réalisable. Il en résulte, dès lors, que 82 % des Québécois préféraient vouloir s’ouvrir une ronde de négociations pour entente constitutionnelle satisfaisant le Québec.

En élisant une large majorité de députés néo-démocrates, les Québécois ont tenté de renouveler leur stratégie d’affirmation nationale, celle-là même que les partis du Québec peinent actuellement à redéfinir. La responsabilité qui pèse sur les épaules du NPD est donc très grande d’autant que les Québécois continuent de montrer leur attachement aux minimales conditions de l’Accord du lac Meech. Dans le cas d’une nouvelle ronde de négociations, celles-ci constitueraient un socle non négociable. En prétendant vouloir réintégrer le Québec dans la Constitution, Jack Layton a créé de grands espoirs qu’il ne pourra décevoir.

Et demain?

En dépit de mon indépendantisme, en tant qu’homme de gauche, je ne peux que regarder avec un brin de sympathie cette percée majeure du NPD. Bien sûr, ce dernier est centralisateur; bien sûr, le profil de certains de ses nouveaux élus peut laisser perplexe; bien sûr, finalement, mon vote irait quoiqu’il arrive au Bloc… Cependant, à l’aube d’une législature qui sera certainement longue, nous n’avons d’autre choix que de prendre notre mal en patience et de laisser le bénéfice du doute aux députés du caucus québécois. La Démocratie a parlé, à nous, Citoyens, d’être vigilants pour l’avenir.

Les possibles scénarios pour demain sont extrêmement nombreux, et l’histoire nous a montré que la politique canadienne peut aussi être très vicieuse : la nuit des longs couteaux du 6 au 7 novembre 1981 et le rapatriement unilatéral de la Constitution l’attestent allègrement. Imaginons le cas où le Gouvernement conservateur de Stephen Harper proposerait une entente a minima au Québec pour le réintégrer en tant que Province dans la Constitution. Sans « chien de garde » bloquiste à Ottawa, pour reprendre l’expression de M. Jacques Parizeau, et tant que les libéraux de Jean Charest seront majoritaires à Québec, une telle stratégie mènerait à une cruelle perte de sens du camp souverainiste. Les fédéralistes provinciaux et fédéraux, en s’entendant sur un accord du Lac Meech II, éloigneraient résolument les « souverainistes mous » de l’idée d’indépendance. Stephen Harper pourrait donc s’enorgueillir d’avoir recomposé la politique canadienne sur un fort axe gauche-droite tout en se débarrassant de la question nationale québécoise. À cet égard, il apparaît donc d’autant plus aberrant d’évoquer la mort du Bloc et c’est justement dans cette configuration qu’il pourrait retrouver toute sa pertinence. Le Bloc québécois a un genou à terre, mais il reste le meilleur outil pour protéger les intérêts des Québécois.

En fait, le Québec vit en ce moment une période politique extraordinaire, une sorte de crise où tout devient d’une incroyable labilité et où tout redevient possible. Pour reprendre encore Gramsci, « la crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître ». Le Canada tel que nous le connaissons ne pouvait éternellement vivre dans cette schizophrénie politique, sans connaître quelques soubresauts. Le Québec, a contrario, ne pouvait rester dans le rôle de l’éternel adolescent; il est aujourd’hui face à un choix plus clair que jamais : s’émanciper ou se banaliser dramatiquement dans le Canada. Les élections provinciales seront le prochain grand rendez-vous : retroussons nos manches! Comme le disait Falardeau, « les bœufs sont lents, mais la terre est patiente »…

Contrer la soumission à un jugement illégitime !

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Un jugement illégitime

Dans son jugement invalidant la loi 104 votée unanimement par l’Assemblée nationale du Québec qui fermait la porte au contournement de la loi l01 par les écoles passerelles, la Cour Suprême du Canada s’appuie sur l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie de la loi constitutionnelle de 1982. Or cette loi canadienne a été adoptée unilatéralement par le gouvernement canadien, d’une manière coloniale, sans consultation de la population du Québec et sans tenir compte de l’opposition de notre Assemblée nationale et, à ce jour, de notre gouvernement. Nous ne discutons pas de la légalité du jugement en regard de la constitution du Canada. C’est une évidence. Nous considérons le jugement qui en découle comme illégitime.

La pire des solutions, la soumission

Devant cette négation de la démocratie québécoise, il y a trois solutions. Le non-respect de la décision de la Cour Suprême puisqu’elle se fonde sur les dispositions de la loi de 1982 qui n’ont pas été soumises au peuple du Québec ou votée par ses représentants. Il va sans dire que, tant que le Québec fait partie du Canada, cette solution pose des problèmes sur les plans juridiques et politiques, mais qu’on pourrait vouloir affronter.

La seconde option, inattaquable dans l’espace juridique canadien et surtout, inattaquable démocratiquement, est celle du recours à la « clause nonobstant » pour soumettre les écoles privées aux dispositions de la loi 101. Cette clause dérogatoire est un moyen qui permet aux élus de protéger la population contre l’arbitraire des juges. Le gouvernement Charest a refusé l’une et l’autre voie pour choisir une troisième option, la pire : se soumettre à cette décision illégitime en adoptant le nébuleux concept de « parcours authentique » inventé de toutes pièces par la Cour suprême.

Dans le texte de leur jugement, les sept juges se permettent d’ailleurs de réprimander notre Assemblée nationale, déclarant les moyens mis en place par la loi 104 « excessifs » et « draconiens », ce qui est un jugement politique privilégiant les droits individuels au détriment des droits collectifs de la nation québécoise. Devant cela, le Gouvernement Charest plie l’échine et accepte de faire amende honorable en suivant docilement la voie tracée par les honorables juges. Nous avons honte aujourd’hui de notre gouvernement!

On discutera longtemps des détails de ce tour de « passe passerelle » qui remplace l’école passerelle par une « route à péage » plus longue, plus coûteuse, plus bureaucratique qu’avant, mais où « l’oncle riche » pourra toujours financer le parcours privé de la parenté pour leur donner accès au « nirvana » de l’école anglaise.

Des effets au-delà du projet de loi 103

Mais là n’est pas le plus important. Plus choquante encore est cette image de colonisé et de gouvernement mineur qu’affiche le Gouvernement du Québec qui aura pour conséquence de favoriser l’anglicisation bien au-delà des « bénéficiaires » du projet de loi 103, alors qu’il faut au contraire intensifier la campagne pour le renforcement et le respect de la Charte du français pour contrer le mouvement d’anglicisation que tous constatent, surtout à Montréal.

Les écoles passerelles ne sont que la pointe de l’iceberg. La loi 101 a subi plus de 200 amendements qui l’ont affaiblie dans la plupart de ses secteurs d’application : langue de la législation et de la justice (1979, arrêt Blaikie), langue de l’enseignement (1982 et 1984, clause Canada de la Charte canadienne), langue de l’affichage commercial (1988, arrêt Ford), langue de la législation et de la justice (1992, arrêt Sinclair). L’invalidation de la loi 104 rouvrant une porte à l’école anglaise au Québec n’est que le plus récent geste contestant la légitimité de notre Assemblée nationale. Il doit être le dernier!

Cette capacité démontrée par le régime canadien de nier les consensus québécois, de soumettre le gouvernement et l’Assemblée nationale du Québec, présentés comme instances mineures, se conjugue au refus du gouvernement canadien d’appliquer la loi 101 à ses propres organismes au Québec, pendant que la politique canadienne du multiculturalisme, enchâssée dans cette même loi constitutionnelle de 1982, fait disparaître l’idée de « peuple fondateur », au profit d’une mosaïque de cultures où la nôtre n’en est qu’une parmi d’autres.

Globalement, le message qui nous vient du Canada, endossé et renforcé par le Gouvernement Charest, ancre l’idée que les prises de position et les lois de l’Assemblée nationale du Québec, même unanimes, ne sont pas importantes. Elles peuvent être invalidées par quelques juges sur la base de leurs préjugés. Le message qui se dégage est qu’il y a deux langues officielles même au Québec, que la majorité des Québécois aiment ça ou non. On prend celle qu’on veut!

Après cela, comment se surprendre de la progression de l’anglais à Montréal, des difficultés d’intégration des allophones partagés entre deux langues et deux nationalités, de la réaction des francophones qui voient leur cohésion nationale menacée?

Pour une campagne jusqu’au retrait du projet de loi

La longue marche du Québec qui a mené à la loi 101 ne peut être contrée par la Cour suprême d’une nation qui a imposé sa loi constitutionnelle au Québec unilatéralement, sans son consentement. Le gouvernement du Québec doit faire respecter les décisions et les lois de l’Assemblée nationale en étendant les dispositions de la loi 101 à l’ensemble des écoles du Québec, publiques ou privées.

Cette lutte n’est pas partisane. Elle interpelle toute les composantes de la nation québécoise dont l’intégrité dépend de la consolidation du français comme langue nationale. On le voit bien, cette intégrité ne sera possible que si le Québec s’affranchit des dispositions de la Constitution canadienne.

Gilbert Paquette, Andrée Lajoie, André Brunel, Ercilia Palacio-Quintin, Florent Michelot, Micheline Labelle, Jocelyne Couture, Philippe Leclerc, Simon-Pierre Savard-Tremblay, Louis Larochelle. Pour le conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO)