Et la richesse sociale du diplôme?

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Texte publié dans l’édition du 3 mai 2012 du quotidien Le Devoir

L’argumentaire pour la hausse développé hier dans les pages du Devoir par un certain nombre de personnalités réduit les diplômes à leur apport économique individuel. Il passe complètement à côté des avantages économiques et sociaux collectifs de l’accès universel à une éducation de qualité. Dans un pays riche et développé comme le Québec, la question des droits de scolarité n’est jamais une question de faisabilité. C’est une question de répartition de la richesse et de choix politique.

Il faut le dire : la force économique du Québec-pays permettra de se doter d’un système scolaire gratuit, alors que la marge budgétaire du Québec-province permettrait tout de même un gel des droits de scolarité. Nous refusons l’argument de la « juste part ». Est-il juste de demander à l’étudiant de payer avant même de devenir un contribuable, le forçant à travailler pour faire ses études, une part qu’il pourra rendre au centuple plus tard en payant, grâce à son éducation, plus d’impôts que la moyenne, au bénéfice de l’ensemble de la société ?

La fixation canadienne

On nous ressasse la comparaison avec le Canada et les États-Unis, espérant que le Québec puisse les imiter. On reste les yeux rivés sur l’Amérique du Nord, en oubliant nos amis mexicains qui jouissent de la gratuité scolaire. Le discours économique vante la mondialisation, mais pour le financement de l’éducation on devient myope, restreint au modèle canado-étatsunien. On cite rarement les modèles de faibles droits de scolarité et de gratuité. Outre le Mexique, dans plusieurs pays d’Europe, l’université y est gratuite ou moins chère qu’ici. C’est le cas de la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark ; bref, tous les pays nordiques, les plus avancés socialement et économiquement de la planète, auxquels s’ajoutent entre autres la République tchèque, la France, la Belgique, l’Autriche, la Suisse, l’Espagne, le Portugal et l’Italie. En cette époque, s’arrêter à cette proximité géographique relève presque d’une forme de repli sur soi.

La hausse des droits est réductrice de plusieurs façons, même sur le plan économique, car axée sur l’individu et le court terme. De plus, la comptabilité économique a ses limites. Quand des esprits bien formés mettent de l’avant des politiques contre l’intimidation ou la maltraitance, il y a là la poursuite d’un mieux-être collectif qui vaut plus que de l’argent.

Une vision économique d’ensemble consisterait plutôt à mieux situer le budget de l’éducation dans celui du Québec tout entier. Plusieurs sources de revenus du Québec sont possibles pour financer les collèges et les universités, dont les redevances sur les mines, comme il se fait ailleurs dans le monde.

… et la myopie provincialiste

Le problème du sous-financement des universités ne doit pas faire abstraction du cadre fédéral. On oublie trop souvent qu’il provient essentiellement des coupes des transferts fédéraux à l’éducation depuis 1994-1995, transferts payés d’ailleurs par nos impôts. Mais après ces compressions, Ottawa a préféré utiliser notre argent pour s’ingérer dans le champ de l’éducation, sans tenir compte des responsabilités des provinces (Bourses du millénaire, Fondation canadienne pour l’innovation, chaires de recherche du Canada).

Ces transferts directs aux personnes ont un impact sur le budget du Québec et sur celui des collèges et des universités, en les forçant à payer des subventions d’appariement, des frais indirects, des achats de matériel et de services d’entretien des laboratoires au soin du Québec.

Le régime fédéral accentue ainsi un déséquilibre fiscal qui nous coûte plus de 800millions par année en créant ce mal-financement. Il y a là amplement de quoi refinancer les universités. Avec les quelque 4,5milliards que représentent les coûts de la défense par année pour le Québec, le choix de l’indépendance se pose clairement dans le dossier de l’éducation comme dans bien d’autres.

Pour la démocratisation du savoir

Peut-on se permettre de revenir à l’époque où les riches étaient les seuls à avoir accès aux études ? Les meilleurs emplois sont le fruit d’innovations technologiques. Ils exigent une formation de pointe. Notre meilleure arme dans la mondialisation demeure l’éducation et la formation d’une main-d’oeuvre spécialisée, seul rempart contre les délocalisations.

Avec son Plan Nord, Jean Charest veut confiner le Québec à l’exportation de matière première. L’avenir est à l’économie du savoir et à de solides secteurs secondaire et tertiaire. Mais notre gouvernement provincial refuse ce levier qu’est l’éducation et abdique sur l’accès aux études comme sur la transformation locale des ressources du Nord.

Il fait la leçon aux étudiants, mais ne prend pas les moyens budgétaires et politiques pour amener Québécois et Québécoises vers une économie plus compétitive mondialement, plus productive économiquement et socialement.

 

Ont signé ce texte : Angèle Richer, Siegfried L. Mathelet et Gilbert Paquette, appuyés par André Binette, Jocelyne Couture, Micheline Labelle, Andrée Lajoie, Florent Michelot, Ercilia Palacio, Pierre Paquette, membres du CA des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO).

Entretien avec Martin Lemay, Député PQ

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Martin Lemay est le député du Parti Québécois de la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques (Montréal) à l’Assemblée nationale du Québec depuis 2006.

Porte-parole de l’opposition officielle en ce qui concerne la métropole montréalaise, il est aussi Président de son caucus de députés depuis le 9 janvier dernier.
Au cours de son second mandat (2007-2008), il a été porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de citoyenneté, d’immigration et de communauté. C’est à ce titre que nous l’avons rencontré le 18 novembre dernier, en pleine campagne électorale.

M. Lemay, soucieux de préserver la culture québécoise, notamment vis-à-vis des dangers du multiculturalisme, vous avez pris plusieurs fois position en faveur d’une approche rénovée de l’immigration au Québec. À ce titre, la décision de Mme la Ministre James de faire signer une déclaration aux nouveaux immigrants les engageant à respecter les valeurs québécoises vous semble-t-elle aller dans le bon sens?

  • J’aimerais dire deux choses à ce propos. Tout d’abord, il y a une confusion qui entoure la signature de cette déclaration : est-elle obligatoire ou non? Si elle est obligatoire, elle implique que vous ne receviez pas votre Certificat de sélection au Québec [CSQ]; ou est-ce un papier demandé parmi tant d’autres et cette déclaration n’emporte aucune conséquence en cas de refus. Dans ce cas, elle ne donne absolument rien…

Ensuite, il y a la manière d’aborder le sujet. Je trouve le procédé risible et réellement scandaleux parce qu’on vous demande de signer un papier sans qu’il y ait de contrepartie, c’est-à-dire que c’est à vous, en tant qu’immigrant, de vous débrouiller avec cela. Alors, certes, des valeurs, ça peut s’apprendre « intellectuellement », mais ça doit aussi se sentir avec le temps et on ne peut pas, par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures.

Vous regrettez donc que ce document n’ait aucune valeur juridique et qu’au final il ne soit, au mieux, qu’une déclaration d’intention et, au pire, une simple formalité administrative de plus pour les immigrants?

  • Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour. C’est « signez ici » et elle ne s’engage pas à offrir des cours de français, un encadrement pour trouver un emploi, ou aider l’immigrant à faire reconnaître ses diplômes le plus rapidement possible.
    Je trouve que ça n’amène absolument rien au débat, et la manière vraiment scandaleuse dont cela a été fait, à quelques jours d’une campagne que M. Charest a lui-même déclenchée : on a, passez-moi l’expression, « garroché » ce texte.

J’imagine que vous regrettez l’absence de débat sur le sujet?

  • Il n’y a eu aucun débat : la ministre a annoncé cela à Montréal, je n’étais pas au courant et n’en ai eu connaissance que quelques heures plus tard. De plus, ce n’est qu’un plan d’action. Un projet de loi a certes été déposé, mais il est mort au feuilleton à cause des élections. Donc tout cela est d’un cynisme époustouflant. Considérant l’important débat que nous avons eu ces dernières années, nous croyons que le dossier aurait pu être traité avec beaucoup plus de sérieux qu’il ne l’est actuellement. On se demande si M. Charest ne cherchait pas à se débarrasser de cette question pour démontrer que les libéraux ont fait leur travail. Au final, bien sûr, ce n’est pas vrai : tout est à recommencer et les documents déposés demeurent des plans d’action, c’est-à-dire que ce ne sont pas des lois ni des obligations communes.

Car, effectivement, le projet fait reporter ultimement la charge de l’intégration sur l’immigrant, notamment en se contentant de reporter les mesures de francisation à la période précédant son arrivée au Québec, c’est-à-dire quand il est encore dans son pays d’origine…

  • Un processus d’immigration c’est plusieurs mois voire plusieurs années. En conséquence, si, au cours de ce long processus, l’immigrant peut commencer à apprendre le français en amont, je trouve que cela est une bonne idée. Mais il ne s’agit pas que de cela, il faudrait faire en sorte que cette période soit aussi bonifiée pour assurer la reconnaissance des diplômes, etc. En bref, faire avancer le dossier au maximum pour que l’arrivée se fasse le mieux possible. L’immigré qui arrive doit pouvoir gagner sa vie et n’a pas le temps d’attendre 6 , 7 , 8 mois avant de pouvoir accéder à un cours de français : il faut que cela soit immédiat.
    Et puis, il y a un second aspect que je souhaitais aborder au sujet de ces cours de français. Si un immigrant sollicite le ministère de l’Immigration pour y accéder, il pourra être rémunéré pour cela, ce qui est une bonne chose d’ailleurs. Par contre, s’il suit ce cours par le biais du ministère de l’Éducation dans un Collège ou une Université, il n’aura pas de revenu. Il y a une évidente inégalité de traitement. Il faut donc remettre un peu de sérieux dans notre politique d’immigration, autant pour la société québécoise que pour l’immigrant, lui-même.

En matière de francophonie, vous ne pensez pas que cela soit un peu vain, puisque, on le sait, il est de plus en plus difficile pour des immigrants francophones unilingues, de trouver de l’emploi, notamment sur Montréal?

  • La confusion des messages devra cesser à cet égard, parce qu’effectivement de nombreux immigrants sont unilingues francophones. Dans le programme du PQ, nous prenons l’engagement de vérifier, auprès des employeurs, cette supposée nécessité du bilinguisme. On reconnaît certes que cela est fondamental dans certains secteurs de l’activité économique, mais on a de sérieux doutes sur cette demande de bilinguisme à si grande échelle. D’où la nécessité de mener des enquêtes.
    Mais, lorsque je vous parlais de confusion de message, la politique canadienne entretient cette confusion-là : les gens arrivant au Québec reconnaissent effectivement le français comme langue officielle, mais, dans le même temps, on a cette politique canadienne avec le bilinguisme, le multiculturalisme et, au final, la citoyenneté canadienne. Évidemment, notre indépendance, notre souveraineté régleraient, entre autres choses, ces confusions.
    Il n’y a rien de pire qu’être une Province se dotant d’une politique d’immigration, alors que, dans le fond, on ne contrôle ni les tenants ni les aboutissants de cette politique. Ultimement, il y a cette citoyenneté canadienne que les gens souhaitent légitimement, mais qui ne favorise pas le combat linguistique au Québec.
    Bien évidemment, il faudra aussi mettre l’accent sur la régionalisation, car les emplois existent aussi en dehors de Montréal, en particulier à Québec qui est une ville qui explose sur le plan économique. Lorsque nous avons tenu la commission sur les niveaux d’immigration au Québec, plusieurs Régions sont venues nous solliciter pour expliquer leur besoin en immigration, en main-d’œuvre. Elles sont prêtes à accueillir les gens. La politique de régionalisation doit donc être beaucoup plus énergique qu’elle l’est présentement, même si on comprend que, comme dans la plupart des pays, les immigrants sont d’abord attirés par les grandes métropoles.

Pour en revenir à la déclaration sur les valeurs, comment expliquez-vous que l’accent soit mis sur la francophonie, en tant que telle, et non sur des valeurs comme l’égalité, la tolérance, etc.? Est-ce que ce n’est pas confondre le moyen et la fin?

  • Nous sommes d’avis que si vous parlez la langue de la majorité vous intégrerez d’autant plus facilement ses valeurs. En toute logique, les deux vont ensemble et sont intimement liées. La francophonie est donc au cœur de nos valeurs parce que c’est elle qui permettra de les comprendre, ainsi que les « codes » de la société.
    C’est fondamental, surtout dans la perspective de cette volonté de perdurer en Amérique du Nord (nous ne sommes pas plus de 3 %). Nous n’avons pas toute la diversité culturelle linguistique et culturelle de l’Europe : c’est anglo-saxon, avec toute la puissance culturelle des États-Unis juste à côté. Il faut donc trouver des moyens de perdurer. Alors, beaucoup de monde nous critique à ce sujet, mais ils oublient toujours ce constat. La mondialisation c’est surtout l’américanisation, ne nous le cachons pas, et les États-Unis sont juste à côté, à moins d’une heure et à 6 h de voiture de New York! Le défi est donc d’autant plus grand à relever : pour beaucoup, arriver au Québec c’est arriver en Amérique du Nord, donc c’est l’anglais…
    Alors, permettez-moi de vous témoigner de mon désaccord à l’égard des récents propos de votre président à Québec.

Pour atteindre cet objectif de francisation, pensez-vous qu’il faille durcir les processus de sélection?

  • Je ne pense vraiment pas que cela soit nécessaire, dès lors que l’on adopte une politique plus sérieuse que celle que je vous décrivais tout à l’heure. Nous sommes d’avis au Parti Québécois que cela prend quelques réformes au ministère de l’Immigration, mais serrer la vis ne servirait à rien. Hors cas de demandes de réfugiés ou de regroupements familiaux qui sont du ressort fédéral, il est certain que la tendance restera francophone/francophile au niveau de l’immigration économique… mais encore faut-il que ces gens-là y trouvent leur compte, car ce n’est pas toujours le cas, je le reconnais, sur le plan du travail ou de la reconnaissance des acquis.
    Je le répète, l’immigration c’est un contrat à deux niveaux : l’immigrant a des responsabilités, mais la société d’accueil en a aussi.

La voie de l’immigration est inéluctable pour le Québec. Différentes analysent ont démontré qu’il faudrait 300.000 nouveaux immigrants chaque année pour assurer l’équilibre…

  • Je ne crois pas à ces chiffres. On désigne là du travail au rabais et même les 45.000 immigrants annuels, nous les atteignons difficilement. Je ne crois pas que le problème réside dans le niveau de l’immigration. Nous préférons parler de stratégie plutôt que de niveau. Ce gouvernement ne nous parle que de chiffres, mais nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, eh oui à une politique de régionalisation de l’immigration. Il est impératif de mieux organiser l’accueil avec les services de la Province, mais aussi avec les organismes communautaires, les associations d’employeurs, les ordres professionnels, les universités, etc., pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie. Nous n’avons plus les moyens de perdre un talent.

La reconnaissance des formations est longue elle aussi : plusieurs mois pour la seule reconnaissance des diplômes obtenus hors Québec, parfois plusieurs années pour certaines professions réglementées…

  • En fait, les ordres professionnels vont demander de mettre à jour certaines connaissances par l’obtention de certificats, mais le rôle de ces ordres n’est pas que d’agréer de nouveaux membres : leur mandat, avant tout, c’est de veiller à la protection du public. Le problème, c’est que les Universités ne proposent pas ces cours d’appoints et demandent à ce que les années soient reprises au complet. Alors vous recevez quelqu’un qui a trente ans, qui a une famille à faire vivre et qui est obligé de retourner à l’école à temps plein. Et après cela, certains employeurs ont encore des inquiétudes à l’égard de diplômes obtenus à l’étranger, sans qu’ils sachent toutes les démarches que l’immigrant a pu entreprendre pour les faire reconnaître ici. De plus, pour l’immigré non francophone, cela prend en plus un permis de l’Office de la langue française; or, seuls deux bureaux au Québec sont en mesure de le fournir.
    On le voit, le système n’est pas adapté pour aider l’immigrant qui se perd dans ce dédale administratif extrêmement complexe.

Y a-t-il des expériences de testage auprès des employeurs pour apprécier les discriminations à l’embauche?

  • Je connais une personne à qui c’est arrivé, qui a fait cela et qui a gagné devant la commission des droits de la personne. Il avait changé son nom pour « Tremblay » et il a été appelé pour l’employeur. Il n’a pas nécessairement été embauché, mais a été appelé…
    Sans sortir les « gros mots », je pense que les gens ont douté de la qualité de sa formation. À mon avis, il s’agit plutôt d’une méconnaissance et c’est à nous, en tant que pouvoir public, de parler aux associations d’employeur pour les inciter à embaucher ses travailleurs spécialisés dont le Québec a besoin. Après toutes ses démarches complexes dont on parlé, et qui, en plus, coûtent de l’argent, on a aussi à assumer nos responsabilités. Il ne s’agit pas de donner une « partie gratuite », mais de leur dire « voici le cheminement et nous allons vous accompagner… » Ce n’est ni trop exiger, ni trop offrir.

Nicolas Sarkozy a exprimé à plusieurs reprises son intérêt pour le communautarisme et le multiculturalisme à la canadienne. Pourtant, les 27 pays européens viennent d’adopter une position commune dans laquelle la langue est considérée comme l’un des trois piliers dans les politiques migratoires. Cette tendance témoigne-t-elle de la validité de votre approche linguistique de l’intégration?

  • Avec mon bureau, nous sommes en train d’effectuer un travail sur l’ensemble des pays occidentaux qui amendent actuellement leurs lois sur l’immigration et tous ces pays parlent de langue, d’apprentissage de l’histoire nationale, etc. Même l’Angleterre…
    Il n’a plus que le Canada à faire cavalier seul avec son communautarisme, quand l’Angleterre, pays du multiculturalisme par excellence, est en train d’y renoncer. Le Home office vient de déposer un projet de loi qui établit trois étapes pour accéder à la citoyenneté britannique et parmi les critères évalués il y a langue, bien sûr, mais aussi l’implication, non pas dans sa communauté, mais dans la communauté nationale. En conséquence, le Canada est de plus en plus isolé dans cette stratégie. La décision des États membres de l’Union européenne confirme que la question linguistique doit être au centre des politiques d’immigration.

Enfin, pour conclure, nous aurions souhaité que vous nous présentiez les mesures qu’adoptera votre parti une fois aux affaires, pour répondre à cet enjeu de société alors que le Québec évolue dans une société sans cesse plus globalisée.

  • Il s’agit d’un véritable combat politique que nous devons mener afin de rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration. On souhaite la souveraineté au Parti Québécois, bien évidemment, mais le rapatriement de ces pouvoirs permettrait, dans un premier temps de cesser les confusions de messages dont je faisais mention tantôt. Il s’agit là de la première bataille.
    À vrai dire, même si je n’aime pas vraiment le terme de contrat, il s’agit aussi de définir rapidement les obligations des uns et des autres, pas de juste de l’immigrant et de la société d’accueil, mais des deux. Il me semble intéressant que les deux parties s’entendent dans une démarche commune pour faciliter l’intégration.
    Troisièmement, il s’agirait de faire le ménage dans la désorganisation totale du ministère de l’Immigration. En passant, je vous souligne que quatre ministères interviennent en la matière : l’immigration, évidemment, la santé, emploi et solidarité sociale, éducation. Certes, il y a un budget de 270 millions de dollars assigné à cette mission, mais il est divisé en quatre. Je défie quiconque de s’y retrouver dans tout cela. Plus tôt, je vous ai parlé des cours de langue, c’est devenu un exemple classique…
    Ensuite, je vous dirai qu’en matière d’immigration, il y a un ensemble d’organismes communautaires qui ont développé une expertise extraordinaire sur laquelle il faudra s’appuyer pour aller plus en avant. Ces partenaires devront être intégrés de façon plus importante.
    Enfin, je vais me répéter, il faut entreprendre une politique énergique de régionalisation pour que les régions soient prêtes à accueillir les nouveaux arrivants, que ces derniers aient le meilleur encadrement possible et qu’ils puissent travailler très rapidement. En fin de compte, on parle de valeurs, d’apprentissage de langue, etc., mais c’est l’emploi la principale finalité. Si, les nouveaux arrivants sont obligés d’apprendre l’anglais pour gagner leur vie, ils vont l’apprendre et ce sera normal, mais notre objectif ne sera pas atteint. Il faut que les gens qui arrivent gagnent leur vie le plus rapidement possible, mais en français.
    Donc comme vous pouvez le constater, il y a encore beaucoup de travail devant nous…

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Le bilan d’une insipide campagne

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Au terme de ce mois de campagne électorale, on en viendrait à se dire que la soirée électorale en aura été le moment le plus palpitant avec le débat. En fait, il n’y a pas eu de véritable enjeu dans cette campagne. N’en déplaise à Jean Charest, l’économie n’a pas monopolisé le débat, l’affaire de la Caisse des Dépôts n’a pas pris, la crise parlementaire à Ottawa a masqué les débats ici. Alors, à part, peut-être, cette inquiétude récente de voir un nombre record d’électeurs décider de boycotter l’élection, cette campagne a été aussi imprévisible que le reflet du désintérêt des Québécois. 57 % d’abstention! Comment se réjouir d’une victoire après cela?

Jean Charest nous avait prévenus, cette élection serait un moment « tellement important pour nous et pour notre avenir » que les 4 sièges de majorités remportés hier devraient nous permettre d’affronter les difficultés à venir. Alors, que la crise économique s’abatte sur Québec et sa Province!, Jean Charest est prêt à lui faire front avec ses 65 collègues libéraux…

Le pari était risqué début novembre pour lui de déclencher ces élections, les « dissolutions de confort » n’offrant pas toujours les résultats escomptés. Le cas de Stephen Harper le 14 octobre dernier contribue notamment à douter de l’efficacité de cet opportunisme électoral. Mais M. Charest voulait une majorité, il l’a eu en augmentant son adhésion populaire de 9 points et surtout en arrachant 18 nouveaux députés.

MaroisLe Parti québécois ressort la tête de l’eau après les catastrophiques résultats de 2007. Après un début de campagne mou, Pauline Marois est progressivement apparue avec une dimension nouvelle. Nul ne doutait de ses capacités de femme d’État, mais peu lui accordaient le leadership nécessaire à la conduite d’une campagne et, a fortiori, d’un gouvernement. Le surprenant débat des chefs s’est révélé être un formidable exutoire, les 13 jours suivants lui permettant de rattraper un départ qui avait patiné. Souvenons-nous que la chef péquiste avait du proposer un point presse à 5 h du matin pour que les médias puissent assister à sa « marche rapide » journalière et démentir les rumeurs de mauvaise santé voire de maladie grave dont elle faisait l’objet. Finalement, le PQ se retrouve largement renforcé et devient une opposition forte, « la plus forte depuis la Révolution tranquille » a précisé Pauline Marois hier soir.

Mario Dumont, quant à lui, n’a pu hier que constater le prévisible reflux de son parti. En 2007, il avait obtenu près de 31 % des voix à 1,2 % du PLC, ce qui lui avait permis de faire élire 41 députés à l’Assemblée nationale. L’ADQ avait même été envisagée comme premier parti durant la soirée électorale! Las, le parti autonomiste de droite n’a pas réussi à convaincre les électeurs de recevoir la même confiance qu’il avait obtenue en 2007. Les dérapages sur internet ont d’ailleurs été significatifs. Cet échec cinglant (16,4 %, 7 députés) est certainement très dur pour Mario Dmont et son annonce de départ de la vie politique, hier soir, s’est révélé très digne.

Enfin, relevons l’entrée du nouveau Député de Mercier à l’Assemblée nationale, Amir Khadir. Cette fois, le candidat et co-porte-parole de Québec solidaire a remporté son pari et a éliminé le péquiste Daniel Turp. En dépit de la défaite de ce dernier, on ne pourra néanmoins se réjouir de l’entrée d’une voix nouvelle dans l’arène parlementaire québécoise.

« Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le, sinon fais-t’en un ami »

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Machiavel, Le Prince

Nicolas MachiavelLes premiers ministres Charest et Harper, chacun dans les tours de Québec et d’Ottawa, nous démontrent actuellement la grande justesse du propos machiavélien sur le cynisme en politique.

Le premier, c’est l’homme qui, sous couvert d’une implacable déroute financière mondiale, a lancé sa Province dans une élection que nul ne voulait pour le simple plaisir de se doter d’une majorité parlementaire. Nous ne répéterons jamais assez qu’il est profondément irresponsable de lâcher la barre d’un bateau pendant un mois pour dépenser quelque 80 millions de dollars. Comble de l’incohérence, les deux partis d’oppositions ne souhaitaient pas renverser le Gouvernement libéral et ont demandé, à plusieurs reprises, de collaborer avec lui.

Le second, quant à lui, pousse l’art du cynisme à son paroxysme. Le même homme qui refusait d’intervenir dans l’économie quand les marchés dégringolaient en pleine campagne électorale et qui ne souhaite toujours pas prendre de mesures drastiques pour anticiper les conséquences de la crise naissante (le plan de relance de l’économie ne sera présenté que dans quelques mois, les salariés précaires lui en sauront certainement gré) prendra vraisemblablement deux mesures idéologiques qui briseront toutes formes de contestations du pouvoir fédéral. Après les coupes dans le financement des programmes culturels, Stephen Harper a donc suspendu le droit de grève des fonctionnaires fédéraux. Les serviteurs de l’État canadien seront donc la première variable d’ajustement budgétaire en leur interdisant la capacité de contester toute forme de régression salariale. Et comme Stephen Harper semble concourir dans la catégorie « démagogie galopante », il a donc purement et simplement demandé que le système de financement public des partis politiques (1,95 $/voix) soit supprimé. Les finances du PCC sont saines, tant mieux pour lui et on pourra reprocher aux autres partis de ne pas s’engager plus dans les collectes de fonds; mais supprimer le financement public c’est asphyxier l’opposition et supprimer les vivres des petites formations politiques. C’est aussi ouvrir la boîte de Pandore et accepter que les méthodes douteuses de financement refassent surface.

La logique économique (on parle ici d’Économie avec un grand « É », pas de realpolitik, de gestion budgétaire) de Stephen Harper est nulle et injustifiable. Qui peut croire que les 30 ou 40 millions économisés à coup de hache dans les partis permettront de stimuler l’économie et venir en aide au secteur manufacturier? Le Gouvernement Harper n’est pas celui du bon sens comme il se prétend être : il est l’œuvre d’une idéologie libérale et néoconservatrice que George W. Bush n’aurait pas reniée. À deux reprises, il n’a pu obtenir de majorité à Ottawa. Or, couper les vivres de ces opposants les mettra à genoux et lui ouvrira les portes d’un mandat majoritaire. Il est donc légitime que l’opposition songe à renverser le Gouvernement en formant une coalition, car il s’agirait là d’un inquiétant glissement vers une spirale monopartisane.

Étouffer la contestation et agir librement, sans débats ni controverses, sont les ultimes conséquences des choix d’Harper, car, pour reprendre une dernière fois les mots de Nicolas Machiavel, « la soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme »

« La francophonie est au coeur de nos valeurs »

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Texte publié dans l’édition du 27 novembre 2008 du quotidien français L’Humanité

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Selon l’organisme Statistique Canada, c’est le nombre d’immigrés que le Québec devrait accueillir chaque année pour pallier la baisse ou la stagnation de sa population.
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Le Québec opte pour la préservation de son identité tout en continuant d’accueillir de nouveaux immigrants

Malgré sa politique migratoire forte, le Québec vient de rompre avec le laisser-faire canadien. Le 29 octobre dernier, Mme Yolande James, ministre québécoise de l’Immigration et des Communautés culturelles, a annoncé que les candidats à l’immigration devront désormais signer un document par lequel ils s’engagent à respecter les « valeurs communes » de la province. Parmi celles-ci figurent notamment le fait que « le français est [la] langue officielle » et que « les pouvoirs politiques et religieux sont séparés », la ministre précisant qu’en cas de refus de signer cette déclaration, « la personne ne pourra pas venir ». Cependant, cette déclaration signée n’aurait aucune valeur coercitive : il s’agirait donc d’une simple formalité administrative additionnelle et non pas d’un contrat. Dans ce cas, pourquoi envisager une telle procédure? M. Martin Lemay, député du Parti Québécois et porte-parole en matière de citoyenneté et d’immigration, s’indigne du « manque de sérieux » accordé à ce dossier et constate que l’on ne peut pas, « par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures. Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour ». Favorable à un rééquilibrage des rôles, le parlementaire souverainiste plaide en faveur de l’émergence d’un accord qui poserait noir sur blanc les obligations mutuelles de l’immigrant et de l’État. Ce dernier doit notamment s’engager à mieux organiser ses services d’accueil (dispositifs d’apprentissage de la langue, de reconnaissance des diplômes et des acquis, etc.), « pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie, car nous n’avons plus les moyens de perdre un talent ».

Si la langue apparaît comme étant l’élément central du dispositif d’intégration, c’est que les Québécois sont convaincus qu’il s’agit du médium à privilégier pour partager leur culture. En ce sens, la nation québécoise repose sur un ensemble de valeurs dont la francophonie est le cœur et le phénomène de globalisation les menace un peu plus chaque jour. Les conséquences sont directes pour les citoyens : il devient par exemple de plus en plus difficile de trouver un emploi unilingue francophone dans les rues de Montréal. Ce combat n’est donc pas d’arrière-garde et constitue une nécessité pour la préservation d’une société canadienne-française en Amérique du Nord.

Aussi, sans rompre avec la tradition d’accueil qui fait la fierté des Québécois, l’ancienne députée du Bloc Québécois, Vivian Barbot, avait déclaré souhaiter voir émerger une politique proactive en faveur de ceux qui choisissent « de se joindre à une nation qui a une histoire, des valeurs, une culture et un désir de vivre ensemble [pour] favoriser l’intégration de tous au sein de la nation québécoise et de préserver un espace neutre et laïc ».

En conséquence, si comparaison il doit y avoir avec les obsessions de Brice Hortefeux, elle ne peut qu’être limitée. À plusieurs reprises, Sarkozy a manifesté ses accointances à l’égard d’un multiculturalisme canadien qui fait la part belle aux communautés. En effet, il serait trompeur de croire en ses bienfaits, car il ne fait qu’entretenir la passivité de l’État. La France n’est pas le Canada, et utiliser ses méthodes en ne prenant pas le fait migratoire à bras le corps est une chose que l’on ne peut plus se permettre. Le multiculturalisme peut paraître séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe assez peu « coûteux » : intégrer une communauté nationale tout en préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle société d’accueil, est assez simple… Mais cet idéal ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il débouche inéluctablement sur le communautarisme le plus exacerbé, tout en fragilisant les bases d’un « vivre-ensemble » partagé et transcendant les cultures, croyances et philosophies. En outre, la prétendue politique d’intégration nouvellement mise en place en France ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’acceptation de l’étranger (ce qui n’est pas le cas quand on voit les quotas de reconduite à la frontière), à défaut de quoi elle ne constitue qu’un outil de plus pour jeter l’opprobre sur l’immigrant. La politique « d’immigration » sarkozyste prend donc le problème à rebours.

Au Québec, même si l’objectif de stabilité économique de 300 000 immigrants est souvent contesté, il s’agit avant tout, selon Martin Lemay, de « parler de stratégie plutôt que de niveau. Jean Charest [Premier ministre du Québec] ne nous parle que de chiffres. Plutôt que de niveau nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, et oui à une politique de régionalisation de l’immigration ».

Il est clair que le modèle d’intégration républicaine par la convergence interculturaliste reste une option politique viable en France et ailleurs. Plus que cela il peut s’ériger en modèle de société laïque ouverte sur un XXIe siècle mondialisé. Contrairement aux ministres français et québécois de l’Immigration, il ne faut pas croire que la charge de l’intégration pèse uniquement sur l’immigrant. De la même manière que la « main invisible » libérale est illusoire, l’intégration ne peut pas être une génération spontanée, encore moins l’œuvre de l’Esprit saint… Elle implique au contraire un effort réciproque d’acceptation de l’autre dans la communauté nationale. Cette dernière doit donc s’impliquer elle-même dans cet effort d’intégration, à commencer par ses institutions, qu’il s’agisse alors d’un État ou d’une Province.

Un voile à lever sur la Caisse

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Pendant la campagne de 2003, les critiques du futur Premier ministre Jean Charest avaient largement porté sur les pertes (importantes, certes) de 13 G$ de la Caisse de dépôt et placement qu’il imputait évidemment au Gouvernement péquiste de l’époque.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée et les Québécois doivent être en mesure de savoir ce qui motive le silence du gestionnaire de leurs retraites (celui qui gère un actif de 258 G$!), pendant que 10 autres gestionnaires majeurs de la Caisse ont été congédiés.

En cette période d’incertitude économique, toutes les institutions gestionnaires de fonds de retraites ont été touchées plus ou moins fortement. La Caisse n’est vraisemblablement pas en reste et elle a dû perdre beaucoup d’argent depuis quelques semaines, le journal La presse évoquant même une chute de 30 % de ses fonds.

Il est donc grotesque que M. Charest ne réponde pas aux demandes d’éclaircissement qui lui sont faites par l’opposition, et notamment par Mario Dumont. Ce manque de transparence a pour principale conséquence d’entretenir les pires élucubrations. Connaissant bien le sujet pour avoir mené une campagne équivalente il y a 5 ans, M. Charest devrait pourtant savoir qu’à continuer dans cette voix il sera tenu pour responsable de tous les déboires financiers de l’institution québécoise.

Jean Charest souhaite-t-il une élection sans débat?

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Non content d’imposer une élection provinciale à 83 M$ que nul ne souhaite, le Premier ministre québécois Jean Charest continue de manifester sa désapprobation à l’égard du format que prendra le débat télévisuel des chefs. Pourtant, les équipes adéquistes et péquistes ont d’ores et déjà accepté de se conformer à la proposition formulée par le consortium télévisuel.

Le PLQ est le seul parti à s’opposer à un débat de type « table ronde », tel qu’employé récemment dans le cadre de l’élection fédérale canadienne.

La Presse canadienne précise que des gens de l’entourage du chef libéral Jean Charest ont indiqué que la contre-proposition du PLQ a été présentée mardi en fin d’après-midi et que des représentants du consortium des télédiffuseurs se réuniront à 20 h, mardi soir, afin de l’étudier.

Le PLQ ne fermerait pas la porte au format fédéral, mais tiendrait à ce qu’il puisse y avoir des échanges directs « un contre un » entre les chefs. Du côté des diffuseurs, le porte-parole Denis Pellerin a indiqué que les membres du consortium tiennent à un renouvellement de la formule du débat. Or, on a pu constater que cette nouvelle formule a séduit les téléspectateurs le mois dernier, les télévisions enregistrant des records d’audience pour un tel débat. En tout état de cause, le débat 2008 semble clairement menacé.

M. Charest a déclenché ces élections en prétextant qu’il ne lui était plus possible de conduire une politique lorsque, pour reprendre ses mots, trois paires de mains sont sur le volant et qu’elles ne souhaitent pas aller dans la même direction. Croit-il qu’en ces temps d’incertitude économique il soit de bon ton de lâcher les commandes pour partir en campagne? De surcroît, alors que les deux partis d’opposition avaient formulé officiellement le souhait de ne pas renverser le Gouvernement, le chef libéral s’est entêté dans son arrogante démarche d’élection plébiscitaire. Comment peut-il aujourd’hui se permettre de ne pas assumer les obligations que celles-ci lui imposent, à commencer par débattre de ses projets en toute transparence?

Simple couardise politique ou véritable mépris démocratique? Quitte à souhaiter une élection sans débats, autant demander à être nommé Premier ministre sans prendre la peine de demander avis aux électeurs…

La France doit rester garante du libre choix des québécois

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Texte publié dans l’édition du 23 octobre 2008 du quotidien Le Devoir et du 5 novembre 2008 du quotidien français L’Humanité

Dès le 4 avril dernier, le quotidien québécois Le Devoir annonçait la fin prochaine du « ni-ni » dans la diplomatie française à l’égard du fait québécois. Comme il fallait s’y attendre, la courte visite de Nicolas Sarkozy à la Province du Québec aura été un symbole fort de la redéfinition de la nouvelle donne diplomatique française.

Initiée par le ministre gaulliste Alain Peyrefitte en 1977, la politique étrangère française en matière de relations Québec-Canada était basée sur la formule de la « non-ingérence, non-indifférence ». Derrière cette formule, il était d’usage de voir la France consentir à ne pas s’immiscer dans le débat interne canado-québécois, tout en acceptant d’« accompagner » le Québec s’il choisissait l’indépendance dans une démarche démocratique.

Or, vendredi dernier, Nicolas Sarkozy est sorti du placard pour dévoiler ses véritables intentions sur la question québécoise. Par ses déclarations, le Président français a officiellement abandonné cette doctrine : de facto, il a renié le principe de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes en s’ingérant dans le débat sur l’avenir du Québec aux côtés des fédéralistes canadiens.

En présence du Premier ministre conservateur Stephen Harper, il s’est même permis cette sortie surprenante en conférence de presse : « J’ai toujours été un ami du Canada. Parce que le Canada a toujours été un allié de la France. Et franchement, s’il y a quelqu’un qui vient me dire que le monde a aujourd’hui besoin d’une division supplémentaire, c’est qu’on n’a pas la même lecture du monde ».

Parce que nul ne peut dicter la destinée d’un peuple

En 1967, le Président de Gaulle, de la mairie de Montréal, a lancé son célèbre « vive le Québec libre ». Libre de quoi, le Général ne l’a pas dit. Dans tous les cas, le gouvernement canadien de l’époque dénonça l’ingérence étrangère dans les affaires politiques internes du pays, et le Président quitta précipitamment le pays. D’autres, au contraire, y ont vu le salutaire appui à leur quête d’indépendance.

41 ans après, ces quatre mots pèsent toujours lourd dans le débat sur la souveraineté au Québec, et certains y voient justement la caution historique au changement de cap de Nicolas Sarkozy. S’il faut interpréter cette illustre affirmation comme une ingérente marque d’appui au mouvement souverainiste, rien n’interdirait, dès lors, l’actuel Président français de modifier sa vision de nos relations diplomatiques.

Plus justement, l’ancien Premier ministre québécois René Lévesque, dans ses mémoires, interprétait ce propos comme rien d’autre qu’une offre de service : « comme ses successeurs le firent par la suite, chacun dans son style, il ne s’engageait à nous accorder, le cas échéant, que l’appui que nous aurions nous-mêmes demandé. [Or,] rien ne me semblait moins indiqué que tel recours à la caution extérieure, si prestigieuse fût-elle ».

En clair, considérer les propos de Charles de Gaulle comme le pêché originel de la diplomatie franco-québécoise est une erreur fondamentale de jugement : ni lui ni les dirigeants souverainistes n’ont souhaité considérer la France comme un soutien à la cause indépendantiste.

Dans la même optique, contrairement à ce que rapportent nombre de médias, il est tout à fait injuste de voir de l’aigreur dans les propos de l’ex-Premier ministre Parizeau. Lui qui avait collaboré avec l’ancien Président français Valéry Giscard d’Estaing pour aider le Québec à proclamer son indépendance juridique en cas de victoire au référendum de1995, dénonce avec pertinence l’ingérence de Nicolas Sarkozy pour son « jugement très anti-souveraineté du Québec ». Plutôt que de reconnaître l’inaliénable droit des peuples à l’autodétermination, le Président français a préféré s’exprimer en sa défaveur. En ce sens, Nicolas Sarkozy s’est donc permis de préjuger d’une cause qu’il n’a pas à apprécier.

La doctrine qui se dégage de ses quelques jours au Québec, c’est celle des cosmopolites radicaux qui combine merveilleusement l’individualisme le plus absolu au supranationalisme. Il n’y a donc rien de surprenant de voir que Nicolas Sarkozy, déjà séduit par le multiculturalisme canadien, se retrouve dans l’idéal libéral de l’ancien Premier ministre Pierre-Eliott Trudeau. La liberté républicaine positive, celle qui repose sur le sentiment d’appartenance et la participation à une communauté libre et autonome, n’a pas les grâces du Président Sarkozy. Celui-ci préfère certainement s’en remettre à la liberté négative des libéraux individualistes : le premier droit du citoyen serait alors de limiter les possibles entraves de l’État et des autres individus, avant même de pouvoir se prononcer en tant que peuple sur son sort.

… il est nécessaire de préserver nos liens de confiance avec le Québec

Pour la cause indépendantiste, l’ami de Paul Desmarais est d’ores et déjà considéré pour ce qu’il est : un opposant.

Mme Royal, au cours de la dernière campagne Présidentielle, avait dignement déclaré que, « comme dans toute démocratie, le peuple qui vote est souverain et libre. Et donc les Québécois décideront librement de leur destin, le moment venu, s’ils en sont saisis ». Nous savons, par ailleurs, que cet avis est partagé par une large frange de la classe politique française. Aussi, ceux qui croient toujours en la doctrine diplomatique de l’accompagnement du Québec sur le chemin qu’il voudra bien choisir doivent désormais s’exprimer, à défaut de quoi ils cautionneront par leur silence la vision sarkozienne du Québec dans un Canada uni.

Cependant, la France ne doit pas oublier qu’un tel abandon pourrait être lourd de sens pour l’avenir des relations avec le Québec. Il va sans dire que le lien qui unit la France et la province québécoise a quelque chose de viscéral; mais, aussi naturel soit-il, il n’en est pas moins fragile. L’hypothèse d’un Québec indépendant n’est pas à exclure : n’oublions pas qu’en 1995, seulement 54 288 voix avaient séparé les tenants du Oui de ceux du Non. Aussi, dans ce contexte, le mouvement national québécois n’a donc plus nécessairement intérêt à privilégier ce rapport à la France. On pourrait alors envisager que des liens aussi forts, et peut-être encore plus symboliques, pourraient être noués avec d’autres démocraties européennes naissantes, au détriment de son allié historique.

Inconsciemment, le Président Sarkozy a fait la preuve qu’il était temps, pour le mouvement souverainiste québécois, d’engager des relations avec d’autres pays que la France. Quoi qu’il en soit, comme le souligne le Réseau de résistance du Québec, si l’indépendance du Québec doit se réaliser, elle se fera avec ou sans M. Sarkozy, et avec ou sans la France. Si le premier a clairement abandonné le Québec à son sort, il reste à espérer que la seconde ne le fera pas… À mettre toutes ses billes sur Paris, le Québec prend conscience du risque de perdre la mise.

Et puis, loin des réflexions binaires de Nicolas Sarkozy, il est faux de croire que le contentieux Canada-Québec oppose exclusivement fédéralistes et souverainistes. L’actuel Premier ministre libéral du Québec, Jean Charest, pourtant connu pour son fédéralisme, s’est suffisamment répandu en critiques à l’égard de l’asymétrie de certaines relations fédération province, pendant la récente campagne électorale fédérale, pour s’en rendre compte. Le contentieux en question opposerait donc invariablement l’État du Canada à la Province du Québec, que ses représentants soient autonomistes, souverainistes, voire fédéralistes.

Depuis le traité de Paris de 1763 cédant (entre autres) le Canada à la Grande-Bretagne, le Québec a préservé son identité envers et contre tout et surtout sans l’aide de la France. Il serait donc présomptueux de croire que la relation France-Québec puisse supporter toutes les atteintes. Pour ne pas hypothéquer un avenir que tout le monde souhaite commun, et, quel que soit l’avenir du Québec, la France devra respecter scrupuleusement le choix des Québécois dans la conduite de leur destin.

* Édition de l’article le 23 oct. 2008 : Par notre faute, la reproduction de cette analyse dans le quotidien Le Devoir ne mentionne pas l’article du RRQ utilisé comme source dans l’élaboration de ce billet. Aussi, nous tenons à témoigner de notre bonne foi et nous présentons toutes nos excuses à ses auteurs.

Mario l’imposteur et Jean la girouette

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Depuis plusieurs jours, Mario Dumont, chef de l’opposition officielle à Québec, dénonce la posture très critique du premier ministre Charest à l’égard du Gouvernement de Stephen Harper. En ce sens, il considère que ce positionnement pourrait conduire à favoriser un vote proBloc et ainsi limiter la possibilité de voir le Québec représenté au sein du probable futur cabinet conservateur.

C’est donc sous couvert d’une arithmétique de fossoyeur que Mario Dumont justifie son positionnement politique et idéologique réactionnaire.

Premièrement, avec les expériences pitoyables de Mme Verner et MM. Blackburn, Bernier et Fortier, qui peut encore raisonnablement croire en l’intérêt d’avoir des Ministres québécois paillassons à Ottawa?

De plus, si on regarde avec un minimum d’objectivité le programme de l’Action démocratique du Québec de M. Dumont (qui, quoique souvent variable, reste solidement ancré lui aussi dans un ensemble de valeurs majoritairement conservatrices), il est évident que ce soutien à peine voilé au PCC est surtout naturel avant d’être tactique.

Il est donc normal qu’un grand nombre des troupes de l’ADQ soit engagé actuellement dans la campagne de Stephen Harper. Valeurs familiales passéistes, pseudo-souverainisme mou, discours économiques antisociaux, dureté sécuritariste, etc., sont autant de points de convergence entre le PCC et l’ADQ.

Enfin, si M. Dumont était réellement sincère dans ses projets autonomistes présentés aux citoyens ces dernières années, pourquoi persiste-t-il dans ces critiques à l’égard de Jean Charest et de ses revendications? N’oublions pas que ces dernières font l’objet d’un véritable consensus (elles sont d’ailleurs appuyées et relayées par le Bloc Québécois)… Comment le chef de l’ADQ peut-il encore prétendre défendre le Québec sans reconnaître leur pertinence?

Quant à la posture de Jean Charest, voici un premier ministre québécois qui fait honneur à la citation de l’ancien président français Jacques Chirac : « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent »

Entre ses projets d’ancien chef des progressistes-conservateurs sur la scène fédérale et ses revendications d’actuel premier ministre provincial, il existe un écart aussi épais qu’une veste que l’on aurait retourné. Ses velléités centralisatrices d’autrefois se heurtent clairement à ses prétentions d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de son attachement au nouveau au souverainisme culturel ou sa volonté d’asseoir l’aménagement du territoire sur des structures de développement régional.
Cela étant dit, il ne faut pas se méprendre sur ses intentions réelles. Il ne s’agit pas d’un revirement idéologique majeur chez Jean Charest, mais bien d’un positionnement stratégique qui répond à des enjeux conjoncturels. Avec une ADQ qui se décrédibilise toute seule et un PQ qui a du mal à se positionner favorablement en prévision d’une élection provinciale de plus en plus inévitable, les libéraux québécois ont tout intérêt à tirer la couverture nationaliste pour tenter de se placer en tant que force de rassemblement au-delà des clivages.

Cynique? Peut-être. Payant, sûrement.