Respecter la Ministre tout en combattant les idées de la citoyenne

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Laisser tranquille la ministre? Oui.
Rona Ambrose? Jamais de la vie.

Pour compléter la réflexion de Mme Durocher sur son blogue du Journal de Montréal, je ne serai pas de ceux qui demandent l’inquisition pour Rona Ambrose. Elle a été élue en son nom et a voté selon ce qu’elle croyait juste. Or, si l’on adhère au principe du mandat représentatif, elle a donc assumé pleinement son rôle.

Par contre, à plus forte raison, c’est justement parce que je suis républicain et que je respecte les institutions dont nous nous sommes dotés collectivement pour débattre pacifiquement que je resterai un farouche opposant aux idéaux rétrogrades des conservateurs et, surtout, des députés, de toutes allégeances, qui confondent la morale publique et le bien commun avec leur mystique individuelle.

Voilà la distinction que Mme Durocher ne fait malheureusement pas.

Les bœufs sont lents mais la terre est patiente

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Il y a quelque chose d’original d’avoir l’ambition de redonner la vie à ce blogue quand il s’agit de livrer une analyse sur le sort réservé au Bloc québécois aux élections du 2 mai dernier. Cet exercice est personnel et je n’ai pas l’ambition de prétendre savoir lire dans le marc de café ou dans le foie des volailles…

Rendons à César ce qui appartient… à Harper

N’en doutons pas, le grand succès du premier ministre Harper ne réside pas que dans l’obtention d’une Chambre des communes majoritaire. C’est une fin qui n’aurait pu être espérée sans un travail de longue haleine de l’équipe conservatrice : en poussant la polarisation des débats à leur maximum, Stephen Harper vient de mettre un point d’arrêt à cette idée selon laquelle le Canada se gouverne au centre, dans le plus grand consensualisme. Les exemples sont nombreux et il est inutile de revenir sur les cas où le Gouvernement Harper a joué d’un certain esprit de provocation pour cristalliser le débat autour de lignes idéologiques claires.

Victime collatérale logique, le « parti de gouvernement naturel du Canada » qu’était le Parti libéral du Canada n’est plus que l’ombre de lui-même. Le remplacement de Stéphane Dion par Michael Ignatieff n’aura donc rien changé au lent déclin au parti de Wilfrid Laurier : qu’il s’agisse de fidélité électorale de certaines communautés, du bastion torontois ou de la forteresse des provinces de l’Atlantique, les libéraux n’ont pu contenir la marée bleue inexorablement montante depuis 2006. Parmi les signes avant-coureurs de ce phénomène, le journaliste Martin Croteau décrivait, peu de jours avant le vote, comment l’électorat juif torontois se distançait peu à peu de ses vieilles habitudes en appuyant de plus en plus massivement les conservateurs.

Les deux mandats minoritaires de Stephen Harper ont démontré que le Canada pouvait se gouverner à droite. Et pour s’opposer à une vraie droite, rien ne vaut une bonne gauche, plutôt qu’un centre prêt à tendre l’autre joue.

La liquidation de la question nationale?

Le Bloc se retrouve donc avec quatre députés à la Chambre. Le résultat a été sévère et souvent injuste pour ceux qui ont perdu : pensons à la qualité du travail réalisé par des députés comme Pierre Paquette, Bernard Bigras ou le prometteur Thierry Saint-Cyr. Surtout, ayons une pensée pour Gilles Duceppe dont le score est une véritable insulte pour le travail accompli ces 20 dernières années. Cette éviction ne fait pas honneur à la carrière de ce grand politicien. Dans une situation plus flatteuse qu’un René Lévesque autrement plus détesté par ses concitoyens à la fin de son second mandat de premier ministre, l’Histoire saura rapidement retenir son nom aux côtés d’autres grands défenseurs de la Nation québécoise.

Malgré cette lourde défaite, je crois qu’il serait faux de croire en la fin de l’option souverainiste. On ne peut tirer un trait sur plus de 50 ans de militantisme au prétexte d’une désastreuse journée qui marque plutôt l’avènement incontestable de l’électeur consommateur.

Sauf que… dans ce contexte de « binarisation », des positions, de choc des idéologies, qu’elle pouvait être la place du Bloc québécois? Pourquoi envoyer un parti souverainiste à Ottawa quand l’idée est portée difficilement au Québec? Le Bloc québécois est un parti dont le cœur bat à gauche, modérément certes, mais à la pensée sociale-démocrate bien équilibrée en vue de répondre à la difficile exigence de représenter la Nation québécoise dans toute sa diversité. Mathieu Bock-Côté, dont j’avoue partager parfois les diagnostics, mais guère les réponses, prétendait même que le bloc « a instrumentalisé le nationalisme québécois pour le mettre au service des valeurs progressistes renommées “valeurs québécoises” bien difficiles à distinguer des valeurs de la gauche canadienne »… Je juge cette affirmation bien excessive quand on sait les convictions du monsieur, mais elle a le mérite de poser la question simplement : face au risque que représente une droite morale néoconservatrice et néolibérale, les citoyens québécois ont préféré s’en remettre à un parti ouvertement à gauche. Dans le doute, on préférera toujours choisir l’originale à la copie.

Pour autant, cet échec patent du Bloc doit-il être compris comme une mise au rencart de la souveraineté? Évidemment, non. Pourquoi? D’une part, parce qu’en dépit de la modeste représentation dont il disposera à Ottawa, le Bloc a tout de même réuni près du quart des voix des électeurs québécois. La grande volatilité de l’électorat dans les deux dernières semaines précédant l’élection a mis à plat ventre le parti souverainiste à qui l’on accordait encore une éclatante victoire peu de temps avant. Souvenons-nous que même Québec pouvait être regagné par le Bloc à l’occasion de cette élection. D’autre part, le sondage Léger Marketing/Le Devoir du 16 avril dernier, donc deux semaines avant le scrutin du 2 mai, indique un niveau d’appui de 43 % à la souveraineté si un référendum « avait lieu aujourd’hui » (page 11). Il faut donc en déduire que le changement de stratégie du Bloc québécois dans la dernière étape, en orientant son discours vers le cœur de l’électorat souverainiste (notamment avec l’entrée en scène de M. Jacques Parizeau), n’a pas réussi. C’est donc une évidence que de dire que le Nouveau parti démocratique a su capter une très large frange du vote indépendantiste.

Enfin, et ce n’est pas le moindre, la batterie de sondage réalisée conjointement par le Bloc et les Intellectuels pour la souveraineté il y a presque 1 an, à l’occasion des 20 ans de l’existence du parti, démontrait très clairement que les Québécois croyaient en leur capacité de faire de notre Province un Pays et en la viabilité de celui-ci, mais seuls 45 % d’entre eux affirmaient que la souveraineté est réalisable. Il en résulte, dès lors, que 82 % des Québécois préféraient vouloir s’ouvrir une ronde de négociations pour entente constitutionnelle satisfaisant le Québec.

En élisant une large majorité de députés néo-démocrates, les Québécois ont tenté de renouveler leur stratégie d’affirmation nationale, celle-là même que les partis du Québec peinent actuellement à redéfinir. La responsabilité qui pèse sur les épaules du NPD est donc très grande d’autant que les Québécois continuent de montrer leur attachement aux minimales conditions de l’Accord du lac Meech. Dans le cas d’une nouvelle ronde de négociations, celles-ci constitueraient un socle non négociable. En prétendant vouloir réintégrer le Québec dans la Constitution, Jack Layton a créé de grands espoirs qu’il ne pourra décevoir.

Et demain?

En dépit de mon indépendantisme, en tant qu’homme de gauche, je ne peux que regarder avec un brin de sympathie cette percée majeure du NPD. Bien sûr, ce dernier est centralisateur; bien sûr, le profil de certains de ses nouveaux élus peut laisser perplexe; bien sûr, finalement, mon vote irait quoiqu’il arrive au Bloc… Cependant, à l’aube d’une législature qui sera certainement longue, nous n’avons d’autre choix que de prendre notre mal en patience et de laisser le bénéfice du doute aux députés du caucus québécois. La Démocratie a parlé, à nous, Citoyens, d’être vigilants pour l’avenir.

Les possibles scénarios pour demain sont extrêmement nombreux, et l’histoire nous a montré que la politique canadienne peut aussi être très vicieuse : la nuit des longs couteaux du 6 au 7 novembre 1981 et le rapatriement unilatéral de la Constitution l’attestent allègrement. Imaginons le cas où le Gouvernement conservateur de Stephen Harper proposerait une entente a minima au Québec pour le réintégrer en tant que Province dans la Constitution. Sans « chien de garde » bloquiste à Ottawa, pour reprendre l’expression de M. Jacques Parizeau, et tant que les libéraux de Jean Charest seront majoritaires à Québec, une telle stratégie mènerait à une cruelle perte de sens du camp souverainiste. Les fédéralistes provinciaux et fédéraux, en s’entendant sur un accord du Lac Meech II, éloigneraient résolument les « souverainistes mous » de l’idée d’indépendance. Stephen Harper pourrait donc s’enorgueillir d’avoir recomposé la politique canadienne sur un fort axe gauche-droite tout en se débarrassant de la question nationale québécoise. À cet égard, il apparaît donc d’autant plus aberrant d’évoquer la mort du Bloc et c’est justement dans cette configuration qu’il pourrait retrouver toute sa pertinence. Le Bloc québécois a un genou à terre, mais il reste le meilleur outil pour protéger les intérêts des Québécois.

En fait, le Québec vit en ce moment une période politique extraordinaire, une sorte de crise où tout devient d’une incroyable labilité et où tout redevient possible. Pour reprendre encore Gramsci, « la crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître ». Le Canada tel que nous le connaissons ne pouvait éternellement vivre dans cette schizophrénie politique, sans connaître quelques soubresauts. Le Québec, a contrario, ne pouvait rester dans le rôle de l’éternel adolescent; il est aujourd’hui face à un choix plus clair que jamais : s’émanciper ou se banaliser dramatiquement dans le Canada. Les élections provinciales seront le prochain grand rendez-vous : retroussons nos manches! Comme le disait Falardeau, « les bœufs sont lents, mais la terre est patiente »…

« Si tu peux tuer ton ennemi, fais-le, sinon fais-t’en un ami »

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Machiavel, Le Prince

Nicolas MachiavelLes premiers ministres Charest et Harper, chacun dans les tours de Québec et d’Ottawa, nous démontrent actuellement la grande justesse du propos machiavélien sur le cynisme en politique.

Le premier, c’est l’homme qui, sous couvert d’une implacable déroute financière mondiale, a lancé sa Province dans une élection que nul ne voulait pour le simple plaisir de se doter d’une majorité parlementaire. Nous ne répéterons jamais assez qu’il est profondément irresponsable de lâcher la barre d’un bateau pendant un mois pour dépenser quelque 80 millions de dollars. Comble de l’incohérence, les deux partis d’oppositions ne souhaitaient pas renverser le Gouvernement libéral et ont demandé, à plusieurs reprises, de collaborer avec lui.

Le second, quant à lui, pousse l’art du cynisme à son paroxysme. Le même homme qui refusait d’intervenir dans l’économie quand les marchés dégringolaient en pleine campagne électorale et qui ne souhaite toujours pas prendre de mesures drastiques pour anticiper les conséquences de la crise naissante (le plan de relance de l’économie ne sera présenté que dans quelques mois, les salariés précaires lui en sauront certainement gré) prendra vraisemblablement deux mesures idéologiques qui briseront toutes formes de contestations du pouvoir fédéral. Après les coupes dans le financement des programmes culturels, Stephen Harper a donc suspendu le droit de grève des fonctionnaires fédéraux. Les serviteurs de l’État canadien seront donc la première variable d’ajustement budgétaire en leur interdisant la capacité de contester toute forme de régression salariale. Et comme Stephen Harper semble concourir dans la catégorie « démagogie galopante », il a donc purement et simplement demandé que le système de financement public des partis politiques (1,95 $/voix) soit supprimé. Les finances du PCC sont saines, tant mieux pour lui et on pourra reprocher aux autres partis de ne pas s’engager plus dans les collectes de fonds; mais supprimer le financement public c’est asphyxier l’opposition et supprimer les vivres des petites formations politiques. C’est aussi ouvrir la boîte de Pandore et accepter que les méthodes douteuses de financement refassent surface.

La logique économique (on parle ici d’Économie avec un grand « É », pas de realpolitik, de gestion budgétaire) de Stephen Harper est nulle et injustifiable. Qui peut croire que les 30 ou 40 millions économisés à coup de hache dans les partis permettront de stimuler l’économie et venir en aide au secteur manufacturier? Le Gouvernement Harper n’est pas celui du bon sens comme il se prétend être : il est l’œuvre d’une idéologie libérale et néoconservatrice que George W. Bush n’aurait pas reniée. À deux reprises, il n’a pu obtenir de majorité à Ottawa. Or, couper les vivres de ces opposants les mettra à genoux et lui ouvrira les portes d’un mandat majoritaire. Il est donc légitime que l’opposition songe à renverser le Gouvernement en formant une coalition, car il s’agirait là d’un inquiétant glissement vers une spirale monopartisane.

Étouffer la contestation et agir librement, sans débats ni controverses, sont les ultimes conséquences des choix d’Harper, car, pour reprendre une dernière fois les mots de Nicolas Machiavel, « la soif de dominer est celle qui s’éteint la dernière dans le cœur de l’homme »

Mario l’imposteur et Jean la girouette

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Depuis plusieurs jours, Mario Dumont, chef de l’opposition officielle à Québec, dénonce la posture très critique du premier ministre Charest à l’égard du Gouvernement de Stephen Harper. En ce sens, il considère que ce positionnement pourrait conduire à favoriser un vote proBloc et ainsi limiter la possibilité de voir le Québec représenté au sein du probable futur cabinet conservateur.

C’est donc sous couvert d’une arithmétique de fossoyeur que Mario Dumont justifie son positionnement politique et idéologique réactionnaire.

Premièrement, avec les expériences pitoyables de Mme Verner et MM. Blackburn, Bernier et Fortier, qui peut encore raisonnablement croire en l’intérêt d’avoir des Ministres québécois paillassons à Ottawa?

De plus, si on regarde avec un minimum d’objectivité le programme de l’Action démocratique du Québec de M. Dumont (qui, quoique souvent variable, reste solidement ancré lui aussi dans un ensemble de valeurs majoritairement conservatrices), il est évident que ce soutien à peine voilé au PCC est surtout naturel avant d’être tactique.

Il est donc normal qu’un grand nombre des troupes de l’ADQ soit engagé actuellement dans la campagne de Stephen Harper. Valeurs familiales passéistes, pseudo-souverainisme mou, discours économiques antisociaux, dureté sécuritariste, etc., sont autant de points de convergence entre le PCC et l’ADQ.

Enfin, si M. Dumont était réellement sincère dans ses projets autonomistes présentés aux citoyens ces dernières années, pourquoi persiste-t-il dans ces critiques à l’égard de Jean Charest et de ses revendications? N’oublions pas que ces dernières font l’objet d’un véritable consensus (elles sont d’ailleurs appuyées et relayées par le Bloc Québécois)… Comment le chef de l’ADQ peut-il encore prétendre défendre le Québec sans reconnaître leur pertinence?

Quant à la posture de Jean Charest, voici un premier ministre québécois qui fait honneur à la citation de l’ancien président français Jacques Chirac : « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent »

Entre ses projets d’ancien chef des progressistes-conservateurs sur la scène fédérale et ses revendications d’actuel premier ministre provincial, il existe un écart aussi épais qu’une veste que l’on aurait retourné. Ses velléités centralisatrices d’autrefois se heurtent clairement à ses prétentions d’aujourd’hui, qu’il s’agisse de son attachement au nouveau au souverainisme culturel ou sa volonté d’asseoir l’aménagement du territoire sur des structures de développement régional.
Cela étant dit, il ne faut pas se méprendre sur ses intentions réelles. Il ne s’agit pas d’un revirement idéologique majeur chez Jean Charest, mais bien d’un positionnement stratégique qui répond à des enjeux conjoncturels. Avec une ADQ qui se décrédibilise toute seule et un PQ qui a du mal à se positionner favorablement en prévision d’une élection provinciale de plus en plus inévitable, les libéraux québécois ont tout intérêt à tirer la couverture nationaliste pour tenter de se placer en tant que force de rassemblement au-delà des clivages.

Cynique? Peut-être. Payant, sûrement.

Un système électoral pervers

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BayletEn 1785, Nicolas de Condorcet publia l’un de ses principaux travaux : l’Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix. Dans cet ouvrage, il explore un paradoxe du système électoral (« le paradoxe de Condorcet ») qu’il décrit comme l’intransitivité possible de la majorité : parmi un même électorat, et lors d’une même élection, il est possible qu’une majorité préfère A à B, qu’une autre majorité préfère B à C, et qu’une troisième majorité préfère C à A. Rien ne permet donc de garantir que l’agrégation de choix individuels rationnels conduise à un choix collectif rationnel. En conséquence, la décision collective prise sur la base de la souveraineté individuelle ne conduit donc pas nécessairement à la situation la plus favorable.

L’une des meilleures illustrations de ce propos réside dans l’élection présidentielle de 2007 : les deux candidats en tête au premier tour (N. Sarkozy et S. Royal) auraient été battus au second tour par le troisième candidat (F. Bayrou).

Le Canada n’est évidemment pas en reste au sujet de son processus électoral. Le système d’élection des parlementaires au scrutin uninominal de circonscription à un tour nous amène aujourd’hui à envisager un gouvernement conservateur majoritaire le 14 octobre prochain. En clair, un parti regroupant sous sa bannière moins de 40 % des suffrages obtiendrait 100 % du pouvoir…

Ici, la division des voix étant forte à gauche et au centre gauche (NPD, Verts, et Libéraux), notamment au Québec où le Bloc est présent, le PCC fait finalement seul la course en tête dans de nombreuses régions. Issu de la fusion de l’Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur du Canada, le parti conservateur a le monopole exclusif sur toute l’idéologie de droite au Canada.

En plus de ce prisme électoral déformant, le premier ministre conserve le pouvoir de déclencher quand bon lui semble des élections (avec seulement 45 jours de « préavis »). Souvenons-nous, en mai 2006, Stephen Harper expliquait l’intérêt d’adopter une loi sur les élections à date fixe pour empêcher l’utilisation du calendrier électoral pour des avantages partisans… Deux ans après, c’est pourtant ce que Stephen Harper a fait en allant à l’encontre de sa proposition.

Je vous laisse imaginer les avantages que peut tirer le parti au pouvoir de déclencher quand il le souhaite des élections : avantage dans l’organisation sur les autres partis (investiture des candidats, affiches, pancartes, locaux, etc.), avantage quant au financement, et quant à l’opportunité politique déterminée par sondage (quoique la dissolution française de 1997 a montré les limites de ces prévisions).

Sur ce dernier point, il ne faut pas oublier la probable influence des élections étasuniennes. En cas d’élection de Barack Obama, le PCC aurait vu ses chances sérieusement hypothéquées, les partis de la gauche canadienne étant, de leur côté, portés par le courant progressiste venu du Sud. Malheureusement, il y a fort à parier que le premier ministre québécois Jean Charest sera lui aussi sensible à la stratégie politique de l’opportunisme. En cas de victoire des conservateurs, les PLQ et l’ADQ en seront les premiers bénéficiaires sur la scène provinciale, en cas de déclenchement d’élections à l’automne.

La semaine (politique) sainte

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Dans le présent message, nous allons revenir sur ce qui a déjà été partiellement abordé dans le dernier billet de ce « journal de campagne »…

Mme Palin, ou l’histoire du sermonneur sermonné

Il y a environ 2 semaines maintenant, l’annonce de la candidature de Mme Palin à la Vice-présidence des États-unis d’Amérique aux côtés de John McCain a été l’objet d’une rare frénésie médiatique. Pensez-vous!, une quasi-inconnue propulsée sur le devant des podiums politiques et potentielle 2de du plus puissant État de la planète, voilà qui devrait a priori réjouir ceux qui ne croyaient plus en la démocratie. Détrompez-vous, cette inconnue n’est en fait « que » la gouverneure d’Alaska, « hockey-mum » et ancienne Vice-miss Alaska (ça fait au moins une expérience à titre de second…) à ces heures perdues : en bref, une politique pur jus. Et puis, il y eut ces révélations sur la grossesse de sa famille et, bientôt, les censeurs dénonçant l’intolérance de ceux qui osaient fouiner dans la vie privée de Mme Palin…

À ceux qui trouveraient que cet étalage de la vie privée sur la place publique relève du plus mauvais goût et de la politique la plus vile, j’aurai tendance à les inviter à se concentrer sur les intentions interventionnistes de la dame Palin en question. N’oublions pas que nous avons en face de nous ce genre de personnes qui, en plus de prôner l’enseignement du créationnisme, s’oppose à la contraception et à l’avortement, prône l’abstinence et autres foutaises réactionnaires bien-senties… En bref, la politique de Mme Palin, c’est la politique du gendarme des alcôves.

Raymond Gravel, député de Repentigny, est un prêtre haut en couleur qui n’a pas eu peur de défendre les mariages gais malgré les sermons surannés du Vatican. En juin 2005, lors d’une entrevue accordée au magazine Fugues, il avait raconté son passage difficile dans l’univers de la prostitution homosexuelle.

« Mes prises de position sur l’avortement et sur le mariage gai n’ont pas bien été reçues au Vatican. Mon évêque [Mgr Gilles Lussier] a même reçu une lettre du Saint-Siège disant que si je persistais à ne pas être conforme à la doctrine de l’Église catholique, je devrais en subir les conséquences », avait-il aussi ajouté. Son aventure en tant que député n’aura donc pas duré très longtemps… 2 ans après son élection, il a été sommé de choisir entre son mandat de député et son statut de prêtre. Raymond Gravel a décidé de revenir à ses fonctions sacerdotales. Il ne sera donc pas candidat du Bloc québécois aux élections fédérales. L’abbé Gravel a déclaré à La Presse et au Globe and Mail avoir reçu du Vatican une lettre lui ordonnant de trancher sous peine d’être « laïcisé ».

Les laïques que nous sommes pourrions nous réjouir de ce choix contraint et comme le disait récemment Richard Martineau dans l’une des ses chroniques du Journal de Montréal :

« Je n’ai rien contre monsieur Gravel, qui s’est acquitté de sa tâche avec intelligence, mais la séparation de l’Église et de l’État est l’une des valeurs fondamentales de notre société.
Aimeriez-vous voir un pasteur, un imam ou un rabbin entrer au Parlement ou à la Chambre des communes?
La religion est une chose. La politique en est une autre. Dans notre société, la loi des hommes prévaut sur la loi de Dieu.
Comme a dit Jésus : “Remettons à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu…” »

Mais les choses n’étant pas si simples, elles prennent un sens nouveau à la lumière des dernières déclarations de Mgr Turcotte. En pleine campagne électorale, ce dernier se permet donc de passer outre une quelconque séparation des Églises et de l’État appelant ses ouailles au vote conservateur, comme à la belle époque de la grande noirceur. Même faute, même punition, n’est-ce pas? Le Vatican demandera-t-il selon vous aux évêques de se retirer de la campagne électorale ou de démissionner, comme il l’a fait peu de temps auparavant avec l’abbé Gravel? Je ne parierai pas une cenne là-dessus. M. Gravel fut un très bon député, peu importe qu’il ait été prêtre, boucher, avocat ou médecin…

La prise de position des évêques est malheureusement en droite ligne avec l’idéologie la plus réactionnaire et conservatrice qui soit. L’abbé Gravel dérangeait certainement parce qu’il était un humaniste évoluant dans un parti résolument progressiste; mais, apparemment, les évêques préfèrent s’attaquer aux droits des femmes acquis de longues luttes.

La droite religieuse et conservatrice… égale à elle-même

Déjà, nous apprenions cette semaine que Mme Nicole Charbonneau Barron, candidate conservatrice dans Saint-Bruno, avait été la porte-parole de l’Opus Dei au Québec. Cette espèce de société secrète sectaire, passéiste, aux antipodes de l’universalisme a donc réussi à placer l’un de ses éminents représentants au sein des troupes de candidats conservateurs…

Et bien, figurez-vous que ce n’est pas tout! Le candidat de Stephen Harper dans Honoré-Mercier, Rodrigo Alfaro, est un membre en vue de la Mission charismatique internationale du Canada, l’église du mouvement pentecôtiste. Ce groupe prêche, pêle-mêle, l’abstinence sexuelle hors du mariage et considère l’homosexualité comme « guérissable » : tout un programme…

… Et Sarko dans tout ça?

Ce vendredi, à l’Élysée, devant Benoît XVI, Sarkozy n’a plus opposé l’« instituteur » au « curé ». C’est déjà ça… Il s’est contenté d’énoncer ce qui, pour lui, relève du bon sens : ce serait une « folie », une « faute contre la culture et la pensée » de se priver du « patrimoine vivant » des religions. Et la boucle est bouclée?

Démêlons le vrai du faux et laissons parler le « chef »

Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, en visite cette fin de semaine à Lourdes, le temple des marchands du temple, a défendu qu’une « saine collaboration » devait se réaliser dans « la conscience et le respect de l’indépendance et de l’autonomie de chacun dans son propre domaine », devant 170 évêques et cardinaux.

Et d’ajouter que « L’Église ne revendique pas la place de l’État », qu’« elle ne veut pas se substituer à lui ». L’Église est, selon Benoît XVI, « une société basée sur des convictions, qui se sait responsable de tout et ne peut se limiter à elle-même ».

Alors qu’attend le Saint-Siège pour ramener au troupeau ses brebis égarées?