Chronique hebdomadaire à La Matinale de CIBL 101,5 Montréal
Un statut de métropole, ça change quoi exactement ?
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Texte publié dans l’édition du 17 mai 2016 du quotidien Le Devoir
Trois jours après le dépôt du projet de Loi 100 par le ministre des Transports Jacques Daoust qui, en pratique, revient à interdire Uber, les militants du PLQ ont forcé le premier ministre et son gouvernement à un curieux rétropédalage. En clôture du Conseil général du parti qui se tenait ce dimanche à Drummondville, Philippe Couillard a annoncé un « chantier sur l’économie du partage ».
Uber et tant d’autres compagnies qui ont émergé ces dernières années autour du web participatif ont contribué à structurer une économie souterraine qui, jusque là, était par définition dissimulée. Ainsi, le phénomène a permis à ce que des entreprises s’engouffrent, au nez et à la barbe de la puissance publique, dans des champs d’activités souvent hyperréglementés.
À juste titre, la réglementation dans le milieu de l’hôtellerie et du transport a répondu à la nécessité de sécurité des usagers. Avec succès, la puissance publique a joué son rôle en agissant de la sorte.
Cependant, l’industrie du taxi est symptomatique de ce que la réglementation a pu avoir de pervers sur la qualité générale du service. Le caractère limité des licences a conduit au malthusianisme économique, c’est-à-dire à la restriction volontaire de la production, en ce qu’elle a de délétère notamment en ce qui concerne le nivellement du service. Or, en offrant des prestations aussi basiques aujourd’hui que la géolocalisation des véhicules et le paiement par carte de crédit, Uber a mis un coup de pied salutaire dans la fourmilière. Pourtant, la logique malthusienne sous-jacente à la limitation de l’offre de transport collectif défie tout bon sens économique, social et environnemental en milieu urbain.
Cela étant, les plateformes de type Uber (et elles sont nombreuses, Uber n’est que la partie émergée) ne sont pas la panacée. Le travail dissimulé que cela génère est réel et désastreux à plusieurs titres. On le sait, il constitue une concurrence déloyale entre des entreprises qui, d’une part, appliquent les règles du jeu et celles, d’autres part, qui s’en moquent. Ensuite, il contribue au déficit de financement de la protection sociale et de l’effort collectif que nous devons à la société. Finalement, le travail dissimulé confine à une abjecte exploitation des travailleurs en portant atteinte à leurs droits droits essentiels quant aux conditions de rémunération et de travail.
Sauf que l’évitement fiscal et le travail au noir n’ont rien de nouveau et les États modernes ont su aménager des solutions plus ou moins performantes pour endiguer une réalité aussi ancienne qu’inévitable.
Sans la moindre sympathie particulière pour cette compagnie, Uber a pâti de ce statut de chef de file de l’économie dite « collaborative ». Il n’est toutefois rien d’autre que l’arbre qui cache la forêt d’un écosystème entrepreneurial déjà étendu et dont les États méconnaissent l’existence. Punir une société qui s’est moquée effrontément des gouvernements, cela est parfaitement justifié, mais, dans le meilleur des cas, c’est reculer pour mieux sauter.
En ouvrant ce fameux « chantier sur l’économie du partage », le gouvernement doit maintenant faire la preuve de sa capacité à encadrer une économie virtuelle sans en décapiter des pans pour se donner bonne conscience. Dans l’intérêt de la protection des travailleurs et de la pérennisation de notre modèle social, le gouvernement a le devoir de ne pas se contenter de gesticulations. Pourtant, comme le qualifie le Conseiller municipal Guillaume Lavoie, avec le covoiturage urbain et, plus généralement, le partage par l’entremise des technologies, nous avons affaire à un « phénomène irréversible ».
Dans ce cas-ci, à la différence d’autres juridictions dans le monde, Montréal et Québec sont passés à côté de l’essentiel et, pour répondre aux défis du XXIe siècle, notre société ne pourra se contenter de si peu d’imagination dans son rapport au système productif. Cependant, les choses avancent, petit à petit. Dès le mois de juin, les résidants de l’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie pourront louer « leur stationnement, un bout de terrain, un coin de garage ou de sous-sol ». C’est bien peu de choses, certes, mais c’est déjà beaucoup plus innovant que ce que le gouvernement propose à ce jour.