Texte publié dans l’édition du 21 juillet 2015 du quotidien Le Devoir
Les cyclistes montréalais sont-ils gérables, s’interroge M. de Grandmont? Qu’il se rassure, ils ne le sont ni plus ni moins que les automobilistes, les camionneurs, les cruciverbistes ou les véliplanchistes… Usagers du vélo ou pas, essentialiser un groupe, il n’y a rien de plus absurde. Cela n’excuse certes pas les infractions relevées par Monsieur, mais il n’y a pas lieu de les généraliser. Aussi, automobiliste et cycliste à la fois, serais-je atteint d’un genre de trouble bipolaire qui me rendrait tantôt « discipliné », tantôt « ingérable », dépendamment de mon moyen de transport? En bref, ce n’est pas « ceux-ci » contre « ceux-là », « vous » contre « nous », « les bons » contre les « méchants ».
Cependant, il y a probablement une certaine tolérance à l’égard des cyclistes. Moi-même plutôt respectueux d’une réglementation souvent inadaptée, il m’arrive toutefois d’y déroger. Ainsi, sur une section de la rue Hochelaga, je monte systématiquement sur le trottoir lorsque je suis en vélo en raison, pêle-mêle, de la proximité de l’A25, des véhicules à vive allure, des nombreux camions qui sortent des usines, de la ligne droite interminable, etc. Cela n’a pas empêché, ce matin, un camion de monter involontairement sur ce même trottoir à moins d’un mètre de moi, afin de virer à droite. Dans ce cas précis, on comprendra que je prenne volontairement le risque du constat d’infraction afin d’assurer ma propre sécurité, au grand dam des M. de Grandmont de ce monde.
De son côté, Monsieur souhaite durcir les règles, mais est-ce encore utile de débattre sur le fond de propositions lorsqu’un débatteur postule d’emblée de la justesse de son raisonnement? « Dans ces conditions, nous explique-t-il, et à ces seules conditions, je veux bien, moi, partager mes trajets montréalais ». Monsieur jouant au redresseur de torts, il n’a aucun scrupule à expliquer qu’il ne partagera pas la route, se plaçant, par le fait même, dans l’illégalité. Que doit-on en déduire puisqu’on ne parle plus ici de se protéger? Plus qu’une provocation, ce genre de propos doivent être considérés comme des menaces d’appliquer la force voire des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles. Dans un état de droit, se faire justice soit même n’est pas une option tolérable.