Le bilan d’une insipide campagne

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Au terme de ce mois de campagne électorale, on en viendrait à se dire que la soirée électorale en aura été le moment le plus palpitant avec le débat. En fait, il n’y a pas eu de véritable enjeu dans cette campagne. N’en déplaise à Jean Charest, l’économie n’a pas monopolisé le débat, l’affaire de la Caisse des Dépôts n’a pas pris, la crise parlementaire à Ottawa a masqué les débats ici. Alors, à part, peut-être, cette inquiétude récente de voir un nombre record d’électeurs décider de boycotter l’élection, cette campagne a été aussi imprévisible que le reflet du désintérêt des Québécois. 57 % d’abstention! Comment se réjouir d’une victoire après cela?

Jean Charest nous avait prévenus, cette élection serait un moment « tellement important pour nous et pour notre avenir » que les 4 sièges de majorités remportés hier devraient nous permettre d’affronter les difficultés à venir. Alors, que la crise économique s’abatte sur Québec et sa Province!, Jean Charest est prêt à lui faire front avec ses 65 collègues libéraux…

Le pari était risqué début novembre pour lui de déclencher ces élections, les « dissolutions de confort » n’offrant pas toujours les résultats escomptés. Le cas de Stephen Harper le 14 octobre dernier contribue notamment à douter de l’efficacité de cet opportunisme électoral. Mais M. Charest voulait une majorité, il l’a eu en augmentant son adhésion populaire de 9 points et surtout en arrachant 18 nouveaux députés.

MaroisLe Parti québécois ressort la tête de l’eau après les catastrophiques résultats de 2007. Après un début de campagne mou, Pauline Marois est progressivement apparue avec une dimension nouvelle. Nul ne doutait de ses capacités de femme d’État, mais peu lui accordaient le leadership nécessaire à la conduite d’une campagne et, a fortiori, d’un gouvernement. Le surprenant débat des chefs s’est révélé être un formidable exutoire, les 13 jours suivants lui permettant de rattraper un départ qui avait patiné. Souvenons-nous que la chef péquiste avait du proposer un point presse à 5 h du matin pour que les médias puissent assister à sa « marche rapide » journalière et démentir les rumeurs de mauvaise santé voire de maladie grave dont elle faisait l’objet. Finalement, le PQ se retrouve largement renforcé et devient une opposition forte, « la plus forte depuis la Révolution tranquille » a précisé Pauline Marois hier soir.

Mario Dumont, quant à lui, n’a pu hier que constater le prévisible reflux de son parti. En 2007, il avait obtenu près de 31 % des voix à 1,2 % du PLC, ce qui lui avait permis de faire élire 41 députés à l’Assemblée nationale. L’ADQ avait même été envisagée comme premier parti durant la soirée électorale! Las, le parti autonomiste de droite n’a pas réussi à convaincre les électeurs de recevoir la même confiance qu’il avait obtenue en 2007. Les dérapages sur internet ont d’ailleurs été significatifs. Cet échec cinglant (16,4 %, 7 députés) est certainement très dur pour Mario Dmont et son annonce de départ de la vie politique, hier soir, s’est révélé très digne.

Enfin, relevons l’entrée du nouveau Député de Mercier à l’Assemblée nationale, Amir Khadir. Cette fois, le candidat et co-porte-parole de Québec solidaire a remporté son pari et a éliminé le péquiste Daniel Turp. En dépit de la défaite de ce dernier, on ne pourra néanmoins se réjouir de l’entrée d’une voix nouvelle dans l’arène parlementaire québécoise.

« La francophonie est au coeur de nos valeurs »

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Texte publié dans l’édition du 27 novembre 2008 du quotidien français L’Humanité

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Selon l’organisme Statistique Canada, c’est le nombre d’immigrés que le Québec devrait accueillir chaque année pour pallier la baisse ou la stagnation de sa population.
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Le Québec opte pour la préservation de son identité tout en continuant d’accueillir de nouveaux immigrants

Malgré sa politique migratoire forte, le Québec vient de rompre avec le laisser-faire canadien. Le 29 octobre dernier, Mme Yolande James, ministre québécoise de l’Immigration et des Communautés culturelles, a annoncé que les candidats à l’immigration devront désormais signer un document par lequel ils s’engagent à respecter les « valeurs communes » de la province. Parmi celles-ci figurent notamment le fait que « le français est [la] langue officielle » et que « les pouvoirs politiques et religieux sont séparés », la ministre précisant qu’en cas de refus de signer cette déclaration, « la personne ne pourra pas venir ». Cependant, cette déclaration signée n’aurait aucune valeur coercitive : il s’agirait donc d’une simple formalité administrative additionnelle et non pas d’un contrat. Dans ce cas, pourquoi envisager une telle procédure? M. Martin Lemay, député du Parti Québécois et porte-parole en matière de citoyenneté et d’immigration, s’indigne du « manque de sérieux » accordé à ce dossier et constate que l’on ne peut pas, « par contrat, dire que vous allez intégrer un ensemble de valeurs en quelques heures. Ce n’est pas aussi simple que ce que le projet de la ministre nous présente… sans oublier qu’elle ne s’engage à rien en retour ». Favorable à un rééquilibrage des rôles, le parlementaire souverainiste plaide en faveur de l’émergence d’un accord qui poserait noir sur blanc les obligations mutuelles de l’immigrant et de l’État. Ce dernier doit notamment s’engager à mieux organiser ses services d’accueil (dispositifs d’apprentissage de la langue, de reconnaissance des diplômes et des acquis, etc.), « pour que ces gens ne perdent pas 3 ou 4 années de leur vie, car nous n’avons plus les moyens de perdre un talent ».

Si la langue apparaît comme étant l’élément central du dispositif d’intégration, c’est que les Québécois sont convaincus qu’il s’agit du médium à privilégier pour partager leur culture. En ce sens, la nation québécoise repose sur un ensemble de valeurs dont la francophonie est le cœur et le phénomène de globalisation les menace un peu plus chaque jour. Les conséquences sont directes pour les citoyens : il devient par exemple de plus en plus difficile de trouver un emploi unilingue francophone dans les rues de Montréal. Ce combat n’est donc pas d’arrière-garde et constitue une nécessité pour la préservation d’une société canadienne-française en Amérique du Nord.

Aussi, sans rompre avec la tradition d’accueil qui fait la fierté des Québécois, l’ancienne députée du Bloc Québécois, Vivian Barbot, avait déclaré souhaiter voir émerger une politique proactive en faveur de ceux qui choisissent « de se joindre à une nation qui a une histoire, des valeurs, une culture et un désir de vivre ensemble [pour] favoriser l’intégration de tous au sein de la nation québécoise et de préserver un espace neutre et laïc ».

En conséquence, si comparaison il doit y avoir avec les obsessions de Brice Hortefeux, elle ne peut qu’être limitée. À plusieurs reprises, Sarkozy a manifesté ses accointances à l’égard d’un multiculturalisme canadien qui fait la part belle aux communautés. En effet, il serait trompeur de croire en ses bienfaits, car il ne fait qu’entretenir la passivité de l’État. La France n’est pas le Canada, et utiliser ses méthodes en ne prenant pas le fait migratoire à bras le corps est une chose que l’on ne peut plus se permettre. Le multiculturalisme peut paraître séduisant pour les libéraux de tous les pays parce qu’il est par principe assez peu « coûteux » : intégrer une communauté nationale tout en préservant sa culture, sans fournir d’effort à l’égard de sa nouvelle société d’accueil, est assez simple… Mais cet idéal ne résiste pas à l’épreuve des faits. Il débouche inéluctablement sur le communautarisme le plus exacerbé, tout en fragilisant les bases d’un « vivre-ensemble » partagé et transcendant les cultures, croyances et philosophies. En outre, la prétendue politique d’intégration nouvellement mise en place en France ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’acceptation de l’étranger (ce qui n’est pas le cas quand on voit les quotas de reconduite à la frontière), à défaut de quoi elle ne constitue qu’un outil de plus pour jeter l’opprobre sur l’immigrant. La politique « d’immigration » sarkozyste prend donc le problème à rebours.

Au Québec, même si l’objectif de stabilité économique de 300 000 immigrants est souvent contesté, il s’agit avant tout, selon Martin Lemay, de « parler de stratégie plutôt que de niveau. Jean Charest [Premier ministre du Québec] ne nous parle que de chiffres. Plutôt que de niveau nous préférons dire oui à un niveau de francisation plus élevé, oui à une hausse du budget pour suivre les gens qui entrent dans un processus de reconnaissance des acquis, et oui à une politique de régionalisation de l’immigration ».

Il est clair que le modèle d’intégration républicaine par la convergence interculturaliste reste une option politique viable en France et ailleurs. Plus que cela il peut s’ériger en modèle de société laïque ouverte sur un XXIe siècle mondialisé. Contrairement aux ministres français et québécois de l’Immigration, il ne faut pas croire que la charge de l’intégration pèse uniquement sur l’immigrant. De la même manière que la « main invisible » libérale est illusoire, l’intégration ne peut pas être une génération spontanée, encore moins l’œuvre de l’Esprit saint… Elle implique au contraire un effort réciproque d’acceptation de l’autre dans la communauté nationale. Cette dernière doit donc s’impliquer elle-même dans cet effort d’intégration, à commencer par ses institutions, qu’il s’agisse alors d’un État ou d’une Province.

Jean Charest souhaite-t-il une élection sans débat?

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Non content d’imposer une élection provinciale à 83 M$ que nul ne souhaite, le Premier ministre québécois Jean Charest continue de manifester sa désapprobation à l’égard du format que prendra le débat télévisuel des chefs. Pourtant, les équipes adéquistes et péquistes ont d’ores et déjà accepté de se conformer à la proposition formulée par le consortium télévisuel.

Le PLQ est le seul parti à s’opposer à un débat de type « table ronde », tel qu’employé récemment dans le cadre de l’élection fédérale canadienne.

La Presse canadienne précise que des gens de l’entourage du chef libéral Jean Charest ont indiqué que la contre-proposition du PLQ a été présentée mardi en fin d’après-midi et que des représentants du consortium des télédiffuseurs se réuniront à 20 h, mardi soir, afin de l’étudier.

Le PLQ ne fermerait pas la porte au format fédéral, mais tiendrait à ce qu’il puisse y avoir des échanges directs « un contre un » entre les chefs. Du côté des diffuseurs, le porte-parole Denis Pellerin a indiqué que les membres du consortium tiennent à un renouvellement de la formule du débat. Or, on a pu constater que cette nouvelle formule a séduit les téléspectateurs le mois dernier, les télévisions enregistrant des records d’audience pour un tel débat. En tout état de cause, le débat 2008 semble clairement menacé.

M. Charest a déclenché ces élections en prétextant qu’il ne lui était plus possible de conduire une politique lorsque, pour reprendre ses mots, trois paires de mains sont sur le volant et qu’elles ne souhaitent pas aller dans la même direction. Croit-il qu’en ces temps d’incertitude économique il soit de bon ton de lâcher les commandes pour partir en campagne? De surcroît, alors que les deux partis d’opposition avaient formulé officiellement le souhait de ne pas renverser le Gouvernement, le chef libéral s’est entêté dans son arrogante démarche d’élection plébiscitaire. Comment peut-il aujourd’hui se permettre de ne pas assumer les obligations que celles-ci lui imposent, à commencer par débattre de ses projets en toute transparence?

Simple couardise politique ou véritable mépris démocratique? Quitte à souhaiter une élection sans débats, autant demander à être nommé Premier ministre sans prendre la peine de demander avis aux électeurs…