« Ma Home »

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J’ai volontairement souhaité ne pas regarder Notre Home dans le brouhaha médiatique qui a entouré son dévoilement.

Un peu plus tôt en semaine, un communiqué gouvernemental annonçait, nous disait-on, « le lancement d’une importante initiative culturelle s’inscrivant dans la volonté de rapprochement des francophones et des anglophones du Québec ». Nous allions voir ce que nous allions voir, car, enfin, un gouvernement souverainiste allait intervenir concrètement pour rapprocher ces deux solitudes québécoises.

Pour quel bilan? 3 minutes 19 de mièvreries, qui nous procurent une overdose de bons sentiments comme un paquet de guimauves suscite l’indigestion. Bref, je n’ai pas vraiment le goût de m’épancher sur l’aspect artistique d’un produit qui n’est qu’une énième traduction de la tendance à l’hyperformatage des productions musicales actuelles star-académisées.

Sur le fond des choses, maintenant, notons que le communiqué de dévoilement de l’hymne indique que la chanson ne vise plus à rapprocher anglophones et francophones comme il était dit dans l’invitation, mais plutôt à traduire la volonté de « jeunes générations », de « toutes origines » « [d’]investir dans leur avenir commun ». C’est donc quelque chose qui devrait m’interpeller intimement, moi, la cible du produit, celui qui sort à peine de la vingtaine et qui est débarqué au Québec il y a six ans, dont la compagne est d’origine franco-ontarienne, et vivant dans un quartier non francophone à 36 %.

Pourtant, l’action gouvernementale fait erreur en soulignant « le désir de rapprochement exprimé par la communauté », considérant très maladroitement que la diversité dont on cherche à capter l’attention pourrait se réduire à un groupe homogène, monolithique. Comme si, par exemple, le peu d’altérité commune qui relierait déjà les statuts de jeune, d’immigré, de fils ou fille d’immigrant ou encore d’anglophone suffisait à niveler voire à supplanter toute différence sociale, économique ou philosophique. C’est en tout cas faire preuve d’une conception bien pauvre d’une société qui serait engoncée dans le déterminisme social, concept qui doit certes être mobilisé par le sociologue, mais qui doit être tout à fait insupportable pour le politique. Une conception républicaine de l’intervention publique serait au contraire existentialiste, visant à affranchir l’individu, bref, fournissant les outils de sa propre émancipation, car « l’homme, disait Sartre, est condamné à être libre. »

Précisons en conclusion, afin de désamorcer les commentaires de ceux qui affirmeraient que nous nous opposons à toute initiative de « rapprochement », qu’il n’en est évidemment rien… Ce serait d’ailleurs un comble, selon mon statut d’immigré. Je suis de ceux qui considèrent logiquement que le projet souverainiste devra composer avec le Québec, dans sa diversité, mais la séduction médiatique et la « gesticulation » ne sont certainement pas de bonnes conseillères. Des actions concrètes et structurantes ont déjà été évoquées, particulièrement en enseignement. M. Lisée, lui-même, a émis plusieurs hypothèses très intéressantes dans son livre Nous. Pourquoi donc s’être fourvoyé dans une entreprise de communication malhabile quand bien des suggestions sont déjà sur la table?

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