Les contribuables québécois paieront 20 % des quelque 300 millions que coûte cette élection canadienne, mais les coûts en sont infiniment plus élevés pour notre avenir comme nation. Nous sommes revenus au temps où les élections se gagnaient en promettant des bouts de chemin. Aujourd’hui, ce sont des ponts ou des édifices que l’on promet de payer aux contribuables québécois avec leur propre argent. Et si, dans trois ans, le Québec pouvait décider par lui-même où il met ses ressources, sans que ses priorités et ses valeurs ne soient en compétition avec celles du reste du Canada.
À la défensive ou hors-jeu
Dans cette élection, on reproche encore une fois au Bloc québécois de jouer à la défensive, voire d’exister, sous couvert d’appels au changement. Et pourtant, tant qu’il y aura des élections canadiennes sur le territoire du Québec, le Québec peut-il être ailleurs que dans l’opposition?
La dynamique canadienne fait en sorte que le poids du Québec diminue au Parlement canadien et par conséquent dans tous les partis fédéralistes. Le rapatriement de la constitution canadienne en 1982, sans le consentement du Québec, sans aucune consultation de la population, nous le rappelle douloureusement. Depuis ce temps, les juges de la Cour suprême nommés par Ottawa ont invalidé de nombreux articles de la loi 101 qui protège le français au Québec. Or, c’est au moment où le Québec se croyait au pouvoir avec 74 députés libéraux sur 75, bien avant la création du Bloc, que la loi constitutionnelle de 1982 fut adoptée par le Parlement canadien à l’encontre de la volonté du Québec.
Les exemples de cette impuissance des députés fédéralistes à Ottawa abondent, qu’ils soient conservateurs, libéraux ou NPD. Ils ne jouent même pas à la défensive. Ils sont tout simplement hors-jeu, leur opinion étant noyée, contrée, filtrée par la majorité de leurs collègues et la direction de leur parti.
Le coût d’une élection canadienne
L’État canadien ignore les priorités et les valeurs du Québec et prend nos 50 milliards de dollars de taxes par année pour les investir dans la construction du Canada. Ainsi, la défense canadienne coûtera aux Québécois 4,6 milliards par année pour les 20 prochaines années si nous restons dans le Canada. Cette somme dépasse le déficit actuel du Québec. Pourtant, avec quelques avions militaires de moins, nous pourrions financer nos universités sans augmenter les frais de scolarité.
Par ailleurs, le gouvernement canadien a investi ces dernières années 14 milliards de dollars dans l’exploitation pétrolière en Alberta et 6 milliards de plus dans le développement du nucléaire principalement en Ontario; pendant ce temps, pas un seul dollar n’a été dépensé par Ottawa au profit du développement de l’hydro-électricité au Québec.
Proportionnellement à notre population, c’est donc 4 milliards de nos impôts qui ont servi à développer les ressources énergétiques des autres provinces.
Autre exemple, sur les 58 milliards investis en recherche-développement par Ottawa de 1993 à 2007, près de 60 % l’ont été en Ontario; nous en avons payé 12 milliards de dollars pour n’en recevoir que 9.
Enfin, l’État canadien met tout en œuvre depuis plusieurs décennies pour développer Toronto comme centre financier international et comme centre des transports et des communications, au détriment de Montréal.
De la péréquation ou des investissements?
Cette élection canadienne illustre une situation inacceptable qui nous prive de ressources essentielles alors que nous en avons un urgent besoin en éducation, en santé et pour notre développement économique durable, comme l’a démontré le récent budget du Québec dont les coupures et les augmentations nous font régresser.
Certaines provinces accusent le Québec de se payer des services sociaux sur le dos des provinces pétrolières, mais comme le souligne le récent document budgétaire du Québec sur les transferts fédéraux « il est faux d’affirmer que c’est avec la péréquation que le Québec finance des services publics plus généreux que la moyenne canadienne. C’est par des impôts et taxes plus élevés ».
Globalement, le Québec ne reçoit pas plus d’argent d’Ottawa qu’il y en envoie, si ce n’est sa part du service d’une dette que le fédéral a contractée sans nous demander notre avis, laquelle a servi à dédoubler les services de l’État québécois, à faire des dépenses à l’encontre des priorités du Québec ou certaines dépenses utiles que nous aurions pu faire nous-mêmes.
Pour que ce soit la dernière fois
S’il y a une chose qu’a démontrée la crise financière de 2008-2009, c’est l’importance du rôle d’un État souverain. Sans les gouvernements et leurs investissements massifs pour renflouer l’économie, nous allions vers une catastrophe mondiale. L’unité et la cohérence de l’action de l’État pour catalyser les moyens d’une société sont primordiales. Cette cohérence est actuellement canadienne, illustrée par le soutien massif aux industries de l’automobile et du pétrole en Ontario et en Alberta. Elle pourrait être totalement québécoise. Avec le double du budget actuel, un Québec indépendant dépenserait 100 % de nos taxes et impôt en fonction des priorités et des besoins du Québec. Nous pourrions réaliser un projet d’indépendance énergétique par la coordination de nos politiques en énergie, en transport, en environnement, en politique industrielle, en éducation, en communication, en commerce extérieur, responsabilités dont une bonne partie nous échappe.
Actuellement, nous finançons notre propre assujettissement et cédons des responsabilités collectives que doit assumer toute nation qui se respecte. Cette élection est coûteuse et nuisible pour le Québec. Il faut que ce soit la dernière élection canadienne que nous laissions se tenir sur le territoire du Québec. Il suffit qu’une majorité d’entre nous décident de mettre fin à notre dépendance fiscale et politique, pour entrer dans l’économie du 21e siècle. En attendant, nous n’avons d’autre choix que de consolider notre opposition à ce régime en votant pour le Bloc à Ottawa.
Le CA des Intellectuels-les pour la souveraineté (IPSO)
Gilbert Paquette, Micheline Labelle, Ercilia Palacio-Quintin, Florent Michelot, Mathieu Gauthier-Pilote, Jocelyne Couture, André Binette, Vladimir De Thezier, Andrée Lajoie, Louis Larochelle, Philippe Leclerc, Siegfried Mathelet.