« Le vrai pouvoir, c’est la connaissance »

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Il serait donc désormais avéré que l’Institut de la statistique du Québec mettra sous peu la hache dans son site hébergeant la Banque de données des statistiques officielles sur le Québec (BDSO). Après le démantèlement, au bout du compte, de la vocation de recueil de données sérieuses de Statistique Canada par l’abandon du questionnaire long de recensement, c’est évidemment une détestable nouvelle pour la prise décision éclairée. Une de plus.

D’abord, sur la forme, puisque les données recueillies par l’ISQ sont le produit de l’administration et sont financées à même les contributions de tous les citoyens, il y a lieu de s’interroger sur une décision qui va à l’encontre du mouvement général de libération des données. Les données de l’ISQ ne comportent rien qui puisse compromettre la raison d’État et ne contiennent pas plus de données confidentielles qui mettraient à mal la vie privée des Québécois. Afin d’illustrer ce repli à contre-courant, citons notamment le classement Global Open Data Index, produit par la World Wide Web Foundation, qui a ainsi rétrogradé le Canada de la 12e à la 22e place mondiale en ce qui concerne l’ouverture des données au public, entre 2013 et 2014. Rien à voir donc avec les prétentions de « Gouvernement ouvert » formulées par l’exécutif actuel.

Ensuite, et surtout, il y a lieu de dénoncer les conséquences désastreuses de cette décision. Le fait d’envisager de faire payer le demandeur pour accéder aux données procède de cette même lente marche vers la conception mercantile du rôle de l’État où ce dernier traite les citoyens comme des usagers ou pis, des clients. En outre, cette résolution conforte la mécanique anti-intellectuelle d’une partie des acteurs de notre scène politique. Se confortant dans le culte du « gros bon sens », on voudrait nous faire croire qu’il est inutile de développer une pensée nuancée et argumentée puisque la pensée magique de l’évidence coulerait de source. Malheureusement pour eux, la réalité est plus complexe et c’est justement ce que l’accès libre aux données de l’ISQ nous permettait d’effleurer. On connaît la justesse du bon mot de Francis Bacon, l’un des pères de la méthode empiriste : « le vrai pouvoir, c’est la connaissance ». Universitaires, associations, partis politiques, chercheurs indépendants ou acteurs économiques : en tuant la BDSO, le gouvernement vient désarmer ceux qui auraient l’outrecuidance de vouloir discuter (la disputatio) le discours ambiant.

L’art public doit-il être compréhensible de tous?

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La culture n'est pas une marchandiseLes œuvres d’art public soutenues par l’État ou les municipalités sont parfois mal perçues par les résidents des quartiers au sein desquelles elles sont installées. Problème de centralisme administratif et de manque de consultation ou citoyenne ou souci de complexité des œuvres? Une réflexion qui repose sur  la construction de « La Vélocité des lieux » au coût de 1,1 million $ dans Montréal-Nord…

La culture n’est pas une marchandise – Financer l’art public by Florent Michelot on Mixcloud

Le redresseur de torts

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Réponse à Paul de Grandmont, auteur de la lettre Les cyclistes montréalais sont-ils gérables?, publiée dans l’édition  du 20 juillet 2015 du quotidien Le Devoir.

Texte publié dans l’édition du 21 juillet 2015 du quotidien Le Devoir

Les cyclistes montréalais sont-ils gérables, s’interroge M. de Grandmont? Qu’il se rassure, ils ne le sont ni plus ni moins que les automobilistes, les camionneurs, les cruciverbistes ou les véliplanchistes… Usagers du vélo ou pas, essentialiser un groupe, il n’y a rien de plus absurde. Cela n’excuse certes pas les infractions relevées par Monsieur, mais il n’y a pas lieu de les généraliser. Aussi, automobiliste et cycliste à la fois, serais-je atteint d’un genre de trouble bipolaire qui me rendrait tantôt « discipliné », tantôt « ingérable », dépendamment de mon moyen de transport? En bref, ce n’est pas « ceux-ci » contre « ceux-là », « vous » contre « nous », « les bons » contre les « méchants ».

Cependant, il y a probablement une certaine tolérance à l’égard des cyclistes. Moi-même plutôt respectueux d’une réglementation souvent inadaptée, il m’arrive toutefois d’y déroger. Ainsi, sur une section de la rue Hochelaga, je monte systématiquement sur le trottoir lorsque je suis en vélo en raison, pêle-mêle, de la proximité de l’A25, des véhicules à vive allure, des nombreux camions qui sortent des usines, de la ligne droite interminable, etc. Cela n’a pas empêché, ce matin, un camion de monter involontairement sur ce même trottoir à moins d’un mètre de moi, afin de virer à droite. Dans ce cas précis, on comprendra que je prenne volontairement le risque du constat d’infraction afin d’assurer ma propre sécurité, au grand dam des M. de Grandmont de ce monde.

De son côté, Monsieur souhaite durcir les règles, mais est-ce encore utile de débattre sur le fond de propositions lorsqu’un débatteur postule d’emblée de la justesse de son raisonnement? « Dans ces conditions, nous explique-t-il, et à ces seules conditions, je veux bien, moi, partager mes trajets montréalais ». Monsieur jouant au redresseur de torts, il n’a aucun scrupule à expliquer qu’il ne partagera pas la route, se plaçant, par le fait même, dans l’illégalité. Que doit-on en déduire puisqu’on ne parle plus ici de se protéger? Plus qu’une provocation, ce genre de propos doivent être considérés comme des menaces d’appliquer la force voire des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles. Dans un état de droit, se faire justice soit même n’est pas une option tolérable.

Rire ou ne pas rire?

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La culture n'est pas une marchandiseCharlie Hebdo, Dieudonné, Jean-François Mercier : autant de façon de faire de l’humour ou de prétendre en faire?
On profite du Zoofest et du Festival Juste pour rire pour s’interroger sur ce qui est réellement drôle…

La culture n’est pas une marchandise – Le rire (16 juillet 2015) by Florent Michelot on Mixcloud

L’austérité tue aussi la culture

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La culture n'est pas une marchandiseTandis que la Grèce est en pleine campagne référendaire sur le dernier projet de Mémorandum de l’Eurogroup, on revient sur les conséquences de l’austérité pour les politiques culturelles dans le cadre de la chronique « La culture n’est pas une marchandise » sur CIBL 101,5 Montréal.

La culture n’est pas une marchandise – L’austérité tue la culture (1er juillet 2015) by Florent Michelot on Mixcloud

Faut-il détruire le square Viger?

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La culture n'est pas une marchandiseDepuis plusieurs jours, c’est le square Viger, de Daudelin, qui est au cœur de la tempête. L’agora du square Viger sera démolie dans le cadre d’un projet de 30 millions afin de réaménager les abords du futur CHUM.
Faire société, ce n’est pas retapage et coup de com. Faire le beau, oui, encore faut-il qu’il fasse sens. Le square Viger, refait ou non, est aujourd’hui le symbole de la question itinérante. Ce n’est pas l’artiste qui en est à l’origine qui lui a accordé ce sens. Ce sont les interactions sociales. C’est la précarité qui a forcé une œuvre architecturale à recouvrir ce nouveau sens.

La culture n’est pas une marchandise – Le square Viger (18 juin 2015) par Florent Michelot sur Mixcloud

Non à une révolution de palais!

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Texte publié dans l’édition du 10 juin 2015 du quotidien Le Devoir

À quoi bon avoir des règles internes si un citoyen, aussi méritant soit-il, peut prendre le contrôle d’un appareil partisan, comme il ravirait un sceptre, sans même que cela ne pose de questions de démocratie interne ? Les statuts et règlements, ce n’est pas une simple question d’intendance, c’est l’outil qui garantit la pérennité de l’association volontaire d’individus éclairés, sur la base d’une organisation librement consentie.

Alors que le cynisme à l’égard de la classe politique et la défiance vis-à-vis des institutions ravage les démocraties occidentales depuis plusieurs décennies, les expériences populaires qui fleurissent à travers le monde devraient pourtant être un phare pour nous tous, militants ou non. Pour paraphraser Tocqueville, les moeurs politiques changent, car « dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau ». Par l’adhésion qu’elles emportent, ces expériences populaires témoignent en creux du fait que l’ancienne manière de faire de la politique est morte et qu’un souffle nouveau doit jaillir dans l’arène politique.

Le Bloc québécois n’a rien de Buckingham Palace. M. Duceppe a une place majeure dans le mouvement souverainiste contemporain, mais rien ne justifie qu’il bénéficie, tel un monarque de droit divin, d’un quelconque droit de préemption sur la cause qu’il défend à Ottawa. Surtout, ce retour n’augure rien de bon quant à l’absence d’aggiornamento et même d’autocritique après la lourde défaite de 2011. Et ce n’est certainement pas le « pardon » accordé au Québécois à l’égard de la vague orange qui arrangera les choses.

Aussi, devant les défis électoraux qui arrivent à grands pas, le Bloc québécois doit garantir le parallélisme des formes afin d’accréditer la légitimité de son principal porte-parole. Les technologies de l’information accordent aujourd’hui suffisamment de latitude pour pallier cet impondérable. Pour ce faire, le minimum serait que le Bloc propose un vote de confiance électronique à ses militants.

Monsieur

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Les disparus ne sont pas faits pour être pleurés, mais pour être continués. Par milliers, nous reprendrons le flambeau de « Monsieur » Parizeau, l’Homme d’État à la stature hors-norme, le combattant à l’écoute constante de ses concitoyens et le pédagogue à l’humilité désarmante.

De ma poignée de modestes rencontres, me reviennent ces quelques mots, comme un encouragement au progrès par l’élévation de l’esprit : « jeune homme, ne mésestimez pas votre intelligence et celle de votre génération ».

De quoi Syriza est-il le nom?

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Syriza, c’est plus que le nouveau nom de l’extrême gauche : les confusions de termes empêchent de voir les événements en Grèce comme ce qu’ils sont : le début de quelque chose

De la « Gauche radicale » à l’« extrême gauche », en passant par « l’ultragauche » ou « l’héritage communiste », tous les poncifs de la guerre froide ont été ressortis par les analystes pour commenter la nette victoire de Syriza aux élections grecques de dimanche. Dans cette confusion, certains ce sont démarqués en ayant même osé renvoyer dos-à-dos « les extrêmes », comme si le groupuscule néonazi de l’Aube dorée et ces succédanés de l’extrême droite européenne pouvaient être comparés à la coalition victorieuse de la gauche grecque et à ces partis frères qui, de tout le vieux continent, s’en réclament. Ces amalgames, aussi peu renseignés que boiteux, sont surtout dangereux, car ils perpétuent le triste sentiment d’intangible dans le politique.

Alors, plutôt que d’ânonner ces mêmes commentaires, revenons sur quelques les propositions de Syriza : passage du salaire minimum de 600 à 750 €, 13e mois de retraite pour les retraites inférieures à 700 €, protection des habitations principales des saisies, accès gratuit aux soins, lutte, contre la fraude fiscale et la contrebande, réaffectation des fonds européens, etc. Est-ce là le produit des réflexions d’un cryptostalinien échevelé? Bien sûr que non. D’ailleurs, l’esprit qui préside à ces ambitions était au coeur du programme de bien des sociodémocrates et sociolibéraux d’avant les années 80 et leur virage reagano-thatchérien. Au risque de l’anachronisme, le programme des libéraux de 1960, emmenés par Jean Lesage, relevait du même paradigme d’un interventionnisme pragmatique de l’État.

Certes, il reste le cas particulier de la dette grecque, qui, nous dit-on, serait le fruit d’une longue tradition de laxisme, un phénomène presque endogène, pour certains. On nous parle donc d’un pays noyé sous une dette abyssale qui paie les pots cassés de son laisser-aller. Il reste que si cette dette approche les 175 % du PIB, elle n’était que de 105 % au début de la crise de 2008, avant la litanie de mesures « austéritaires ». Pour l’anecdote, 105 % du PIB c’était d’ailleurs, à peu de chose près, le poids de la dette états-unienne fin 2014… Quoi qu’il en soit, l’histoire nous démontre qu’il est impossible de rembourser des dettes sur la base d’économies atones. C’est d’ailleurs ce que plaidait lundi matin le médiatique économiste Thomas Piketty à la radio française en rappelant que dans une telle situation, « il fau[drait] 50 ans, 60 ans pour rembourser 200 % du PIB. » À l’inverse, les pays qui ont connu de tels taux d’endettement (pensons à l’Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) ont pu compter sur des politiques de relance de l’activité et des restructurations de leurs dettes.

Alors s’il est certainement aisé de répéter le discours fataliste ambiant et de céder au déclinisme des sinistres augures, cela ne doit pas empêcher de regarder les choses objectivement et d’accompagner l’espoir avec bienveillance, car, aujourd’hui plus qu’hier, tout est à inventer. En constatant cet élan populaire qui a porté Syriza aux responsabilités et qui pousse les Espagnols de Podemos vers autant de succès, nous devons connaître le vieux monde pour mieux en abandonner ses mots et articuler demain. Il le faut aussi, peut-être, pour nous rappeler comme le Printemps érable n’a su être transfiguré au sein d’un système politique québécois corseté dans son expression. Il faut qu’avec cette formidable formule de García Márquez, prix Nobel de littérature décédé récemment, nous avancions confiant dans la voie de cette projection dépouillée du poids des erreurs du passé : « le monde était si récent que la plupart des objets n’avaient pas de nom et pour les désigner il fallait les montrer du doigt ».